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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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bras, Pierre Bérégovoy me reçoit dans le bureau de la rue de Solferino, baptisée « Antenne de François Mitterrand », encombrée par des caisses et des cartons. C'est lui, désormais, qu'il faut voir, puisque c'est l'organisateur en chef de la transition.
    Drôle de petit homme que ce Pierre Bérégovoy, devenu, au fil des ans, indispensable dans la galaxie Mitterrand 24 . Dans cet univers, c'est un des plus « populaires », je veux dire le contraire d'un bourgeois. Au milieu des énarques et autres inspecteurs des Finances de gauche, il ne peut revendiquer qu'un certificat d'études et un CAP d'ajusteur. Lui, pour monter dans la hiérarchie politique, n'a eu que son expérience de militant : alors qu'il était agent technico-commercial à Gaz de France, il a quitté la SFIO pour devenir, auprès de Mendès France, dans les années 1960, conseiller aux affaires sociales. Son visage est rond, ses propos sont ronds, un sourire naïf illumine parfois ses traits. Aujourd'hui, il est à la fois épanoui et ébahi. L'idée que, dans une semaine, il sera à l'Élysée, je ne sais pas à quel poste, était pour lui inespérée. Plus : inimaginable. Son aventure personnelle se confond avec celle de Mitterrand. Le voici donc dans le hall de cet immeuble bourgeois qui a abrité les collaborateurs de Mitterrand pendant la campagne, qui les abrite encore, avant que certains d'entre eux ne franchissent la Seine pour s'installer faubourg Saint-Honoré.
    Bérégovoy m'explique que c'est Rousselet qui est en charge de la cérémonie de passation des pouvoirs, dans quelques jours. Lui s'occupe des liaisons avec l'Élysée et les giscardiens sur le départ.
    Pendant qu'il me parle arrive du ministère des Affaires étrangères un pli « secret-confidentiel-strictement personnel ».
    Il est également en contact avec le préfet de police de Paris, Pierre Somveille, et prépare surtout les rencontres sociales avec toutes les organisations syndicales et politiques représentatives.
    Et le PC, qui s'en occupe ? Pas lui, me dit-il. « Rien, au niveau de l'Antenne, en direction des communistes. »
    Claude Estier et Roland Dumas doivent, ailleurs, avoir pas mal de pain sur la planche !

    13 mai, suite
    Jean-Marie Poirier, avec qui je déjeune en quittant Bérégovoy, me raconte – je cite ses mots – dans quel état de « sécheresse physique et morale » il a trouvé Giscard depuis quelques semaines. Il ne m'en avait rien dit pendant la campagne, par correction ; il le dépeint aujourd'hui comme n'écoutant rien, n'entendant rien, mal entouré par des conseillers persuadés qu'il viendrait facilement à bout de ses adversaires, sans vraiment combattre.
    Aujourd'hui, Giscard mesure autour de lui la lâcheté et le lâchage de certains de ceux qui l'avaient soutenu pendant qu'il était président de la République. Le patronat, par exemple, aurait fait savoir sans attendre que, pour la future campagne des législatives, tout l'argent de l'organisation irait en direction des formations de Chirac et de Mitterrand, bien sûr !

    Lettre de Michel Debré datée du 10 mai : « Plusieurs fois dans ma vie j'ai senti le froid de la solitude. Cette fois-ci, le froid qui va tomber sur moi sera glacial et définitif. Comme dit le poète : “Seul le silence est grand, le reste est faiblesse...” »

    « Trahison préméditée » : l'expression est forte. C'est celle qu'a employée Valéry Giscard d'Estaing à propos de Jacques Chirac. Il aurait pu dire : embûche, piège, croche-pied ou croc-en-jambe. Il a dit trahison, en pesant le mot. Ce n'est pas un mot anodin.
    Pourquoi l'emploie-t-il ? Il ne le dit qu'en privé : il a acquis la certitude que Jacques Chirac – son état-major, surtout – a envoyé une lettre à quelques-uns de ses militants dûment répertoriés pour leur recommander de voter pour François Mitterrand au deuxième tour. Je ne sais pas sur quoi Giscard fonde sa conviction : inutile de dire que Chirac, prévenu par de bons amis, rejette farouchement l'accusation.
    Le climat n'est donc pas le meilleur pour affronter, à droite, les élections législatives. En réalité, ce que veut empêcher Giscard, c'est que Chirac profite de la situation, c'est-à-dire de son échec à lui, VGE, pour rassembler autour de lui l'ensemble de l'ex-majorité totalement déboussolée. Chirac rassembleur ? Le sang de Giscard n'a fait qu'un tour. Il a immédiatement refusé l'appel à la candidature unique pour

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