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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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européennes. Quelles qu'aient été les premières mesures prises (dans, me confie Mauroy, la quasi-indifférence de Mitterrand), il continue d'être attaqué. Ce sera donc à Jacques Delors 30 de convaincre les petits porteurs que le franc restera fort, d'éviter la fuite des capitaux, de rassurer les investisseurs étrangers.
    Parmi eux, les pays arabes et surtout l'Arabie saoudite. C'est de cela qu'est chargé Michel Jobert, qui, comme ancien ministre des Affaires étrangères de Georges Pompidou, est connu comme un interlocuteur privilégié du monde arabe. Aujourd'hui, il doit convaincre les rois du pétrole de ne pas « désinvestir », de ne pas évacuer hors de France les capitaux de l'or noir.
    À ce propos, on me raconte – mais je n'ai pas les moyens de vérifier – que le jour du deuxième tour de la présidentielle, le 10 mai dernier, beaucoup de bateaux ont pris le large, entre Saint-Raphaël et Monaco, hors des eaux territoriales, avec toute la fortune de leurs propriétaires à bord. Pourquoi ? Pour éviter de se faire dépouiller par les rouges en cas d'insurrection communiste à Paris ? J'ai peine à croire que la victoire de la gauche fasse si peur aux milieux d'affaires.
    Quant à rassurer les milieux politiques, si c'est possible, Mitterrand s'en charge personnellement : il a reçu aujourd'hui tous les leaders des partis, dont ceux de l'opposition, Jean Lecanuet et Jacques Chirac.

    26 mai
    Restent les dirigeants européens : ceux d'entre eux qui sont socialistes connaissent bien Mitterrand, mais tous s'inquiètent de l'entrée éventuelle des communistes dans un futur gouvernement. Le premier, Helmut Schmidt est venu rendre visite à Mitterrand, porteur (autre « petit télégraphiste » ?) d'un message de Ronald Reagan.
    Je ne sais quelle a été l'atmosphère de la rencontre entre les deux, si Helmut Schmidt a fait état de sa proximité avec Giscard. De toute façon, Mitterrand a toujours été, lui aussi, persuadé de la nécessité de l'axe franco-allemand pour construire l'Europe. L'amitié est une chose, encore que je ne sache pas les liens exacts, dont Giscard s'est prévalu, entre ce dernier et Helmut Schmidt ; l'exercice du pouvoir en est un autre. Mitterrand et Schmidt sont assez grands pour oublier leurs amitiés quand il le faut.

    27 mai
    Premier Conseil des ministres du gouvernement Mauroy. Dans le même salon Murat, à l'Élysée, les quarante-trois ministres se sont assis ce matin autour de la table, recouverte du même tapis qui a vu se succéder tous les présidents de la République. Mitterrand occupera la place de son prédécesseur, et les mêmes huissiers à chaîne ouvriront les mêmes portes aux nouveaux ministres. Les dossiers qui y ont été discutés ont été préparés par Marceau Long, secrétaire général du gouvernement précédent. Celui-ci a persuadé Pierre Mauroy d'adopter le même ordre du jour pour ce Conseil 31 . Voilà pour la continuité.
    Au chapitre du changement, les cabinets du gouvernement Mauroy regorgent de fonctionnaires mis « au placard » sous Giscard, qui reviennent dans les bagages des ministres de gauche. Ou d'hommes qui n'auraient en aucun cas figuré dans un ministère d'« ancien régime » : Gaston Defferre, par exemple, a embarqué dans son équipe à l'Intérieur un syndicaliste de la police, le premier à entrer Place Beauvau !

    Dans ce palais de l'Élysée envahi par les assistantes personnelles de Mitterrand, auxquelles se sont jointes les secrétaires du PS, Rousselet me raconte, après cette conversation, comment et pourquoi Mitterrand n'a pas pris Claude Estier, son fidèle de toujours, dans le premier gouvernement : parce que Estier a décidé, malgré ses avis, de se présenter contre Roger Chinaud dans le XVIII e  arrondissement de Paris aux prochaines législatives. Mitterrand pense qu'il perdra ce combat, et comme il ne veut pas d'un ministre battu sitôt nommé, il a préféré ne pas lui confier un poste gouvernemental. Dur, dur...
    À part cela, tous les gens qui voient Mitterrand me le décrivent comme extraordinairement tendu. Au premier étage de l'Élysée, je parle un instant avec Jean Glavany. Nous évoquons les personnalités de tous ces socialistes qui, dans le monde entier, ont perdu le pouvoir du fait de leur idéalisme. Il me dit que le personnage d'Allende est ici présent dans tous les esprits. « Pourvu que beaucoup de socialistes en soient conscients, me dit-il. C'est la seule

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