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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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« Si la majorité reste la même, je ne pourrai pas éviter les heurts ! »
    Ce qui l'étonne, c'est la disparition subite, depuis dix jours, de tous les acteurs de la vie politique. La secrétaire du groupe parlementaire socialiste, M me  Théobald, raconte que le Parlement est désert : les nouveaux ministres socialistes ont embarqué leurs secrétaires parlementaires, parfois même le petit personnel de l'Assemblée.
    Nous parlons du score communiste au premier tour de l'élection présidentielle. « Je n'avais pas prévu un tel effondrement, reconnaît Mitterrand. Je l'avais imaginé à long terme, certes, mais je ne pensais tout de même pas qu'ils s'effondreraient aussi vite. »
    Puis nous évoquons Giscard qui vient d'envoyer aux parlementaires UDF une lettre leur annonçant qu'il va prendre incessamment une initiative politique. Laquelle ? Il ne le précise pas. À Jean Riboud qui dit ne pas voir Giscard en situation de remonter la pente, François Mitterrand ne répond rien. Il parle en revanche de la stratégie de Chirac avec une sorte de considération purement tactique : « C'est dur à passer, pour Giscard, dit-il, Chirac l'a tout de même littéralement étranglé ! Et il a appelé la majorité à l'union tout de suite après ! Il faut le faire ! »
    Mitterrand parle enfin de ses rencontres récentes : avec les syndicalistes, tout a baigné dans l'huile – « presque trop », dit-il. Avec François Ceyrac, les choses ne se sont pas trop mal passées : la seule question que se pose Mitterrand est de savoir si Ceyrac a perçu toute l'ironie qu'il a mise dans ses propos. Exemple : Ceyrac se lance dans un tableau apocalyptique des charges des entreprises et de leurs problèmes. « Diable ! lui a répondu Mitterrand. Mais alors, ceux qui avaient le pouvoir étaient des criminels ! » La scène réjouit Mitterrand au moment où il nous la raconte. Je ne suis pas sûre qu'elle ait autant réjoui François Ceyrac.
    Au cours du même dîner, Christine Gouze-Raynal 33 me dit sur un ton mi-drôle, mi-sérieux : « C'est fou ce qu'on s'y fait vite, à cette vie ! »
    J'ai l'impression que si Mitterrand peut inviter ici, à l'Élysée, tous ceux qu'il a conviés à Latche, tous ceux qui le suivent quand il gravit la butte de Solutré, la vie pour lui deviendra possible. Plus quelques femmes, évidemment – Anne en particulier –, qui ne sont jamais très loin de lui. Danielle est prête à jouer le jeu, cela fait si longtemps qu'elle s'y prête ! D'autant qu'elle compte bien rester rue de Bièvre, sans emménager elle-même à l'Élysée.
    Sera-t-il possible à Mitterrand de rester aussi libre en étant président ?
    Le dîner s'achève. Nous parlons des communistes. Les élections législatives s'annoncent difficiles pour eux. À Sotteville-lès-Rouen, par exemple, Roland Leroy, qui n'a jamais été menacé depuis tant d'années, est aujourd'hui en difficulté. Pourquoi ? Parce que, m'a-t-il dit lui-même, la candidature unique de la droite RPR-UDF est dangereuse, bien des électeurs communistes, ils le lui avouent, étant décidés, face à ce péril de droite, à voter directement socialiste pour faire barrage à la réaction dès le premier tour. « Oui, commente Mitterrand, il y aura beaucoup de défections parmi les électeurs traditionnels du PC ! »

    3 juin
    Je reviens sur la préparation des législatives. Même si leurs leaders disent, pour des raisons électorales, qu'ils vont gagner, les experts, du côté de l'UDF et du RPR, pensent au contraire que sur les 281 sièges détenus par la majorité en 1978, ils vont en conserver au maximum 200.
    Ce qui est clair, c'est que Chirac et Lecanuet, malgré leur alliance électorale circonstancielle, campent sur des positions tout à fait différentes : Chirac veut apparaître comme celui qui, à temps, a sauvé pour les législatives l'unité compromise – surtout par lui, d'ailleurs ! – lors de l'élection présidentielle. Lecanuet, lui, préserve au nom de l'UDF les chances de Valéry Giscard d'Estaing, lesquelles chances ne sont pas jouables pour le moment. Un jour, peut-être ?
    Cela étant, si l'UDF et le RPR remportaient ces élections-ci, tout serait à revoir, et Mitterrand devrait reprendre sa copie : il a dit qu'il gouvernerait avec la majorité sortie des urnes, il serait donc obligé de cohabiter avec elle.
    Les socialistes, eux, mènent une campagne d'enfer pour éviter ce cas de figure. Quant aux

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