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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Mauroy d'avoir laissé Jean-Luc Lagardère à la tête de la maison. « Quand on pense, aurait dit Riboud, que Lagardère a racheté Hachette pour le compte de Valéry Giscard d'Estaing, et qu'on le lui laisse ! On marche sur la tête ! »
    Il paraît que Yves Sabouret, le lieutenant le plus proche de Jean-Luc Lagardère, en apprenant que Hachette échappait à la nationalisation, aurait soupiré, soulagé : « C'est Lourdes ! »

    16 octobre
    Première crise sérieuse à Radio France : le patron des orchestres et de France Musique a claqué la porte pendant le conseil de direction de ce jeudi. Pourquoi ? Parce qu'il m'a accusée d'avoir reçu les syndicats sans lui. Baron le plus en vue de Radio France, il tient depuis des années les musiciens sous sa coupe. Professionnellement, c'est un type indiscutable ! Il n'a pas son pareil pour recruter les musiciens, les faire travailler, choisir les chefs d'orchestre. Il connaît tout en matière de musique et jouit d'une réputation en béton dans le petit monde international de la musique.
    Dans les premiers jours de ma nomination, il m'a fait visiter toute la maison de la cave au grenier : il m'a montré les merveilleux instruments, contrebasses et flûtes à bec, violoncelles et hautbois, entreposés dans les sous-sols de la maison de la Radio. Il m'a emmenée à quelques concerts, et j'ai adoré cela.
    C'est vrai : c'est un domaine auquel je ne connais pas grand-chose. Ce que n'a pas compris Pierre Vosinski, c'est que, dans la foulée de la victoire de la gauche en mai dernier, les représentants syndicaux des musiciens ont voulu avoir accès à moi. Je n'avais aucune raison – ni aucun moyen, d'ailleurs – de refuser de les recevoir. Que devais-je leur dire ? Que Vosinski m'interdisait de les voir ? Que j'avais des comptes à lui rendre ? Que j'étais incompétente ? En matière musicale, peut-être, mais pas pour ce qui est de la gestion des personnels qui, au poste que j'occupe aujourd'hui, m'incombe totalement.
    Enfermé dans son narcissisme au point de nier mon existence, il a donc pris pour une insulte le fait que j'aie passé quelques minutes avec le responsable CGT des orchestres, Pierre Noguera, un homme plus que sympathique, au parler rocailleux du Sud-Ouest, avec lequel, au demeurant, je n'ai échangé que quelques idées générales.
    Première crise, donc. Je m'aperçois qu'une telle crise ne me fait pas peur. Pour tout dire, je m'en fous. Le problème est de trouver, vite, quelqu'un qui puisse le remplacer. Pas commode, d'autant qu'il s'attend, en adversaire politique, au naufrage de Radio France parce que j'en suis la présidente. Comme si seule la droite, même à Radio France, était légitime !
    D'ailleurs, dans le procès qu'il m'a fait, jeudi, en quelques phrases, à moi, et, à travers moi, à la majorité élue en mai dernier, je comprends bien qu'il englobe Mitterrand, Mauroy, le ministre de la Culture et celui de la Communication. Cet homme de musique est aussi un partisan – sinon un militant – politique. À défaut, d'ailleurs, il ne serait pas à Radio France au poste supérieur où il fut antérieurement nommé.

    Déjeuner avec Michel Rocard. De cela, franchement, je ne me fous pas. Je le trouve au demeurant en meilleure forme que jamais. Impression qui, venant de moi, est plutôt rare.
    Il est intarissable sur les nationalisations. D'après lui, la nationalisation d'un pourcentage seulement du capital des entreprises concernées aurait dispensé le gouvernement d'indemniser les actionnaires ! Et d'évoquer le cas de la nationalisation de je ne sais quelle boîte industrielle dont la Caisse des dépôts et consignations était actionnaire : du coup, la logique a voulu qu'on indemnise la Caisse des dépôts !
    Logique mais absurde, évidemment !
    Il me raconte le Conseil des ministres sur les nationalisations. Lorsque vient son tour de parler, il dit tout ce qu'il a sur le cœur après que Mauroy a développé la position inverse.
    Il faudra que je vérifie ce point, car, d'après Mitterrand qui s'en est souvent plaint auprès de moi, Rocard gardait bouche cousue pendant les comités directeurs socialistes alors qu'en sortant, son premier souci était de déclarer aux journalistes qu'il avait exposé tout ce qu'il s'était en réalité bien gardé de dire !
    « Curieusement, continue Rocard, j'ai été soutenu par Robert Badinter, peu pressé de devoir défendre la position de la France dans toutes les cours

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