Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
souffle pas mot, en sortant de cette entrevue, sur ce qui m'y a été dit.

    27 août
    Deux jours plus tard, le 23, il m'appelle. J'ai raison, me donne-t-il acte. Mais il a raison, lui aussi, de trouver certains journalistes imbéciles. L'un d'entre eux (un correspondant local de France Inter) lui pose cette question à Sion où il a reçu Willy Brandt : « Vous êtes ici dans une résidence secondaire d'un de vos amis ; comptez-vous nationaliser également les résidences secondaires ? »
    « Bon, conclut Mitterrand, qui ne me cite pas le nom de ce correspondant, vous pouvez en convenir avec moi : il y a des imbéciles partout, mais aussi des provocateurs à Radio Inter (sic)  ! »

    J'ai vu hier François de Grossouvre. Il me demande le plus sérieusement du monde d'intégrer un indic parmi le personnel de Radio France, et me démontre longuement, dans son petit bureau feutré au premier étage de l'Élysée, qu'il a depuis le début « télécommandé » Marie-France Garaud pour qu'en se présentant elle enlève des voix à Giscard. Le personnage de Grossouvre me dérange et m'inquiète. Le côté agent secret d'opérette me saute aux yeux. Je ne le connais qu'à peine, car jamais, moi non plus, je ne l'avais approché avant l'entrée de Mitterrand à l'Élysée. Il n'est pas antipathique, au demeurant, mais je passe mon temps, pendant qu'il me parle, à essayer de démêler le vrai du faux, ce à quoi il croit lorsqu'il m'en parle, et ce qu'il invente.

    4 septembre
    Vu Jacques Chirac. Bronzé, costume gris perle, celui qu'il portait lors de l'un de ses derniers meetings, au Parc des Princes ou je ne sais où dans Neuilly, yeux plus clairs dans un visage plus brun, pas une ride, pas un pli. Avec un air d'extraordinaire gaîté dans le regard, il me fait l'analyse suivante : Mitterrand est, au contraire de Giscard (c'est lui qui parle), un homme d'État, et pas un homme de carrière. « Mais son but, me dit Chirac, est d'écrire une page de l'histoire de France, ou plutôt une page de l'histoire du socialisme.
    « C'est ce qui le perdra, continue-t-il ; il y a trop de contradictions dans sa politique économique, trop d'aveuglement dans sa politique étrangère. Ce sera bientôt l'inflation à 20 points, le chômage, les communistes le lâcheront, ils quitteront le gouvernement. Vous verrez, cette expérience ne durera pas longtemps : à ce rythme, pas plus de deux ans ! »
    Ce qu'il en conclut : qu'il lui faut immédiatement commencer sa campagne, ou plutôt recommencer, car il en sort à peine. Il ne croit pas qu'on lui reprochera longtemps l'« assassinat » de Giscard – dont il me dit, c'est son expression, qu'il a un « demi-chromosome » en plus que tout le monde, ce qui explique son comportement !
    Il m'annonce que Giscard s'apprête à publier les lettres que lui a adressées Chirac pendant son septennat. Il ne le redoute pas : « Certaines d'entre elles, me dit-il, font preuve de clairvoyance. »
    Ce qu'il ne dit pas, c'est que, paraît-il, dans certaines de ces lettres, Chirac rend un hommage vibrant à Giscard, et cela, quelques semaines seulement avant son départ de Matignon !

    Pendant ce temps-là, je m'initie à mon nouveau métier : mi-journaliste, mi-assistante sociale. Sans oublier qu'il y a des orchestres à Radio France, deux, même, que chacun des deux jalouse l'autre et que je dois remettre de l'ordre là-dedans. Heureusement, la plupart des « cadres » qui sont là jouent vraiment le jeu. Le directeur général, le directeur financier (un petit homme plutôt drôle qui a le génie du produit financier !) sont irremplaçables : aussi, malgré bien des pressions, syndicales et politiques, je ne les remplacerai pas. Je les garde. À tout moment je me pose la question de savoir non pas jusqu'où je peux aller, mais où je vais aller. Le sort de plus de 2 000 personnes dépend désormais de moi : écrire des articles, je sais, mais diriger les autres ? Encore une fois, les dirigeants de la maison sont formidables. Plus ceux que j'ai amenés avec moi, pas très nombreux mais fiables.
    De temps en temps, je regarde à travers la fenêtre, comme un prisonnier, la Seine qui coule au-dessous de mon bureau. Envie parfois de prendre le pont qui l'enjambe et de disparaître de la circulation...
    Il reste que Mitterrand continue, il ne perd pas une occasion de me le dire, de s'irriter contre la presse, ses dirigeants et sa « base ». Nous pressentons sans

Weitere Kostenlose Bücher