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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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pessimistes », me dit-il seulement.
    Je raccroche, j'ai trop peur que cette conversation téléphonique n'intrigue le petit groupe resté autour de la table de conférence. Et je ne tiens pas à paraître trop perturbée.
    Je regarde sans mot dire les gens réunis autour de moi. Je me dis que toute cette histoire est absurde, qu'elle est presque surréaliste. Ce long combat politique de Mitterrand, sa victoire au bout du chemin, qui a amené certains de ses proches à l'Élysée, d'autres à Matignon, d'autres encore, comme moi, à Radio France, voici qu'il pourrait s'achever comme cela, stupidement, sur un coup du destin ! J'ai du mal à me replonger dans la discussion collective. J'abrège la réunion.
    Ce soir, c'est l'anniversaire de ma fille. Elle a dix ans.

    26 novembre
    André Rousselet encore. Cette fois, il nous a demandé, à Pierre Desgraupes et à moi, de venir à l'Élysée. Mitterrand ne s'est pas encore adressé au pays par le biais de la télévision depuis juin dernier. Lorsque je l'ai eu au téléphone, Rousselet n'avait pas du tout la même voix que la semaine dernière. Je lui ai demandé avec une pointe d'angoisse comment allait Mitterrand. Il m'a dit rapidement qu'on s'était inquiété pour rien et que tout, désormais, était sous contrôle. Il ne m'en a pas dit davantage. Assez, cependant, pour que je me dise qu'une nouvelle fois mon imagination m'avait entraînée trop loin. Tout de même...
    Nous voici donc aujourd'hui, Desgraupes et moi, dans son bureau.
    Rousselet commence par nous raconter en riant comment il a bâti une petite fortune. Il était chez Simca, après son passage au ministère de l'Intérieur dans le cabinet de Mitterrand 54 . Il se voit proposer de superviser la construction des Halles. Michel Debré s'oppose à sa nomination. Retournant chez Simca, rendu assez morose par le refus dont il vient d'être l'objet, il se voit confier, presque à titre de consolation, le dossier des taxis – dossier que tout un chacun considérait comme « pourri ». Il n'avait rien d'autre à faire qu'accepter.
    C'est ce qu'il a fait. Les Taxis G7 ont marché, sont devenus une société solide. Et il y a fait fortune. « Quelle est la part du hasard ? se demande-t-il humblement. 90 %, 80 % ? »
    Pierre Desgraupes et moi devons interviewer Mitterrand le 7 décembre prochain.

    30 novembre
    Évidemment, rien d'autre ne compte que la santé de Mitterrand. Je ne sais pas pourquoi, tout le monde en parle. Une indiscrétion ? Sans doute. Pas de moi, en tout cas. Michel Debré, par exemple, me raconte aujourd'hui à quel point Giscard et Chirac font des rêves en inventant leur avenir à partir de la maladie supposée de Mitterrand.
    Rencontré Charles Hernu 55 , toujours gai, flanqué d'un capitaine d'ordonnance qui manifestement est sous le charme, et d'un amiral ébahi par la vitalité du nouveau ministre. Avoir soutenu, sinon créé, au bon moment, des syndicats dans l'armée, a donc conduit ce fils de gendarme, ancien mendésiste devenu mitterrandiste, à la Défense. Je pensais qu'il serait mal accueilli par les militaires. Pas du tout ! Il me dit qu'il se livre et se livrera à tous les exercices requis dans le genre : appontement, vol à bord d'un avion supersonique, descente en sous-marin atomique, virée sur un porte-avion, etc.
    Le plus important aujourd'hui, c'est la « pause ». Jacques Delors la demande sur RTL. Mauroy l'accorde. Ouf ! Le rythme des réformes, qui se succèdent depuis juin dernier, devenait endiablé, intenable pour le ministre des Finances.

    7 décembre
    Nous sommes avec Desgraupes dans le bureau de Bérégovoy pour lui faire part des grands thèmes que nous voulons aborder dans l'émission. Nous restons évidemment dans le vague, lorsque la porte s'ouvre (il frappe avant d'entrer), et Mitterrand apparaît. Au premier regard, je suis frappée par le teint cireux, les yeux enfoncés, l'air inquiet. Et puis il parle. Sa voix est inchangée, ironique. Il me dit : « Il faut que vous me posiez des questions sur ma santé, par exemple... »
    1 Polge de Combret, secrétaire général adjoint de l'Élysée.
    2 Dépêche AFP DD67.
    3 Hélène Parmelin et Robert Merle sont écrivains ; Antoine Spire est l'ancien directeur des Éditions sociales ; Édouard Pignon est peintre.
    4 AFP DX 78. On lit également dans le communiqué cette phrase qui montre que la préoccupation de sécurité est présente : « À condition de le vouloir, la France peut

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