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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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est plaint violemment à Pierre Mauroy au moment où celui-ci se rendait en Afrique.
    « Le gouvernement n'a aucune influence sur les programmes diffusés par les chaînes de télévision ! » a protesté Mauroy, qui n'était même pas au courant de la diffusion de ce documentaire.
    On ne me la fait pas, à moi, a en quelque sorte répliqué Bongo, qui a commencé par bouder la délégation française. Du coup, Mauroy m'a appelée depuis sa résidence gabonaise et m'a demandé de plaider auprès de Bongo l'indépendance des médias français... En voilà une mission !
    Quelques heures après mon arrivée matinale, j'apprends qu'Omar Bongo m'attend dans son palais. Il fait 45 degrés dans la ville, à peine plus de 15 degrés dans le salon – que dis-je, dans l'immense pièce où m'attend Bongo. Il se lève, vient à ma rencontre. Je m'aperçois à cette occasion qu'il est à peine aussi grand que moi. Puis il s'asseoit sur une espèce de trône en bois sculpté et verni, et fait approcher un fauteuil, moins vaste et moins sculpté, où il me demande de prendre place.
    Je commence, en grelottant dans le souffle de l'air conditionné, à lui parler longuement de la télévision française, à lui dire que les choses ont changé en France aujourd'hui, que le gouvernement ne nomme plus les présidents de chaînes, qu'il ne contrôle plus les programmes.
    Il me prend la main, écoute encore quelques phrases de ma laborieuse plaidoirie et éclate de rire : « Bien sûr que je sais tout cela, me dit-il. Qu'est-ce que vous croyez ? Que je ne lis pas les journaux ? Je pourrais même retrouver le discours de François Mitterrand et votre réponse, le jour où la Haute Autorité a été officiellement installée. Je voulais simplement ennuyer un peu Pierre Mauroy, le mettre en difficulté, voilà tout ! »
    Il me dit néanmoins, à propos du documentaire qui a fait problème, avoir été choqué par les images de sa vieille mère, prises je ne sais où, même si je m'étais fait projeter le film à toute allure avant de partir. Au nom de la télévision française, sans qu'il y croie une seconde et sans que j'y croie moi-même, je présente mes regrets à sa mère, et l'échange à ce sujet s'arrête là.
    Suit une conversation un peu surréaliste où il me parle de la France et de l'Afrique, des rapports avec les dirigeants français, de Mitterrand, qu'il respecte, de ses maisons dans le monde, innombrables.
    Une heure se passe ainsi. J'ai droit à une embrassade en sortant. La délégation française ne sera plus embêtée au sujet du maudit documentaire.

    Quelques heures plus tard, au cours de cette première journée, Pierre Mauroy se débrouille pour me ramener dans le salon de la superbe villa mise à sa disposition pour son séjour au Gabon. Il me dit sans préliminaires : « Les communistes quittent le gouvernement. Alors, excuse-moi, mais le Gabon est le cadet de mes soucis ! »
    Il a l'air sûr de son fait. Il doit d'ailleurs rencontrer Georges Marchais le mardi suivant son retour d'Afrique, à 11 heures – soit à quelques heures du moment où j'écris ces lignes.
    Atmosphère inouïe de ce salon gabonais où, d'un coup, j'ai l'impression que l'histoire se fait, et même se défait.
    « Le Conseil d'État, poursuit-il, vient encore d'annuler deux élections. Ce ne sera public que le 12 avril, mais la décision est déjà prise pour Longwy. Cela, plus la politique du gouvernement sur la sidérurgie, c'est trop. Ils vont partir ! Deux solutions pour moi, ajoute-t-il sur un mode interrogatif : partir avec eux ou continuer sans eux. »
    Je trouve, et le lui dis, que partir serait une mauvaise solution. D'autant plus si c'est justement la politique en matière de sidérurgie, qu'il a voulue, lui, tardivement mais avec courage, qui sert de prétexte à la rupture.
    Il n'empêche : « Je suis l'homme de l'unité. Comment rester si je ne le suis plus ? »
    François Mitterrand, mis au courant du dernier tête-à-tête entre Mauroy et Marchais, juste avant le départ du Premier ministre pour le Gabon, a conseillé à Mauroy d'attendre paisiblement. Il pense, lui, qu'il s'agit encore d'un bluff des communistes, d'une dernière tentative pour lui forcer la main.
    Tandis qu'au retour nous survolons Hassi Messaoud, Georges Marchais s'exprime sur Antenne 2 à l'occasion de la fameuse émission politique, « L'Heure de vérité ».
    Nous ne pouvons pas l'écouter, et pour cause, puisque nous sommes en

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