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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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bout de six mois ! – a à demi échoué dans sa tâche. Je lui fais remarquer que le choix du président de chaîne directement par le président de la République, dans ce cas, ne changerait rien, puisque s'il l'avait pu, en juillet dernier, c'est également Bourges qui aurait eu ses faveurs.

    Ce compte rendu que j'écris de notre conversation, mot pour mot, ne reflète pourtant pas le ton qu'il a employé avec moi. Il m'a parlé avec cordialité, comme si la rudesse de ses propos et la perspective de la suppression de la Haute Autorité ne devaient rien changer entre nous, comme si nous étions l'un et l'autre en dehors de tout cela.
    Comment dire : la seule chose qui lui importe est la victoire de la gauche aux élections législatives de 1986. Il est persuadé qu'une « bonne information » lui est nécessaire. Le reste l'indiffère.

    Vendredi soir, à Lille, loin du bruit et des fureurs, dîner avec Pierre Mauroy. Il compte les jours. Mitterrand lui en fait voir des vertes et des pas mûres : ainsi l'annonce de l'abaissement de 1 % du taux des prélèvements obligatoires, qu'il a faite sans en prévenir personne.
    Il ne s'étend pas sur ses propres difficultés, mais, à la façon dont il me dit de Mitterrand : « C'est un curieux garçon ! », je me dis qu'entre eux les choses sont aujourd'hui tendues, alors qu'elles ne l'étaient pas il y a seulement quelques semaines.
    Mauroy aura été le plus fidèle et le plus honnête des Premiers ministres de la V e  République. Mitterrand n'en aura plus comme celui-là.

    Vu aussi Rocard, la semaine dernière, le 19 janvier. Il m'annonce à l'avance que de sérieux incidents vont avoir lieu avec les agriculteurs bretons 2 . Contrairement à ce qu'il m'avait dit il y a quelques mois, il s'attend à être Premier ministre et me dit que, pour accepter ce poste, il poserait un certain nombre de conditions draconiennes, notamment celle d'avoir les mains libres sur la presse. C'est cela, évidemment, qu'il tenait à me dire. Encore que je ne sache pas très bien à quoi correspond cette expression : « Les mains libres sur la presse. » Je me dis que, de toute façon, je le vois mal tempêter, comme d'autres, après les journalistes qu'il a si longtemps séduits.
    Il est sympathique, plus que cela même, mais, comment dire ? Il me fait toujours un effet d'inachevé. Comme si le baptême du feu lui manquait réellement. Comme si le moindre souffle pouvait le faire s'envoler.
    Pourquoi inspire-t-il confiance à de si nombreux Français ? Il m'inspire plutôt, à moi, de la sympathie, un peu de tendresse et beaucoup de respect.
    Mais confiance, non.

    31 janvier
    Au milieu des complications de FR3, vu hier une nouvelle fois Michel Debré. Pas un mot sur la télévision : un bol d'air frais !
    Il parle je ne sais à quelle occasion d'Antoine Pinay. Il me dit : « Entre nous, je ne l'écrirai jamais dans mes Mémoires, mais je me serais méfié de Pinay : entouré – je cite verbatim  – de médiocres honnêtes et d'intelligents douteux. »

    25 février
    Cinq jours de voyage à la Guadeloupe et à la Martinique pour attribuer des fréquences radio aux Antilles. Quelle différence entre les deux îles ! La Martinique, créole et assoupie ; la Guadeloupe, sauvage et revendicative.
    Un préfet chiraquien, un président du conseil général plutôt habile, un procureur de la République imbécile, tout cela se dirige en tout cas vers l'embrouille.
    En réalité, je m'aperçois que lorsqu'il s'agit d'accorder des fréquences à des radios privées, le scénario est toujours le même. Les hommes politiques sont généralement hostiles à la multiplication des moyens de communication, sauf ceux d'entre eux qui en possèdent déjà. Trop de radios leur fait peur, ils craignent que s'y expriment leurs adversaires politiques, les nationalistes, les autonomistes, que sais-je.
    À leurs côtés, l'administration technique qui distribue les fréquences – Télédiffusion de France – est ce qu'on pourrait appeler « malthusienne » : pendant des années, TDF a vécu en disposant d'un monopole de diffusion. L'idée qu'aujourd'hui il lui faut distribuer à des tas de radios des fréquences qui sont autant de biens précieux lui est insupportable.
    Un exemple : à la Martinique et à la Guadeloupe, qui sont des îles, le nombre des fréquences est quasi infini. Pourtant, si on additionne les hommes politiques qui ne veulent surtout pas en donner à

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