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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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des adversaires potentiels, et les techniciens assis sur leur pseudo-savoir scientifique, on s'aperçoit qu'il y a moins de licences ici que dans n'importe lequel des départements français.
    Au grand dam du sous-préfet, je réunis dans une salle de Pointe-à-Pitre tous les demandeurs de radios privées. Ils auront tous – ou à peu près – gain de cause. Je ne sais si les radios qu'ils vont animer atteindront trente, cinquante ou cent mille auditeurs, ou si elles seront favorables à l'autonomie ou à l'indépendance. Peu importe : si elles s'appellent radios libres, c'est précisément pour l'être.

    Mitterrand est très présent dans mon esprit au cours de ce voyage, puisque je l'avais accompagné ici, en 1979, avec son conseil général. Le plus souvent, mes interlocuteurs me le rappellent. De la gauche à la droite, la seule unité se fait contre la télévision et la radio.

    9 mars
    Jacques Chirac au téléphone. Nous parlons des prochaines élections européennes. Je lui explique – ce qu'il sait déjà, puisque Gabriel de Broglie a appelé Romani à la mairie de Paris – que la loi de 1977 sur les élections européennes ne prévoit qu'une campagne officielle par liste, et non par formation politique. Le RPR, s'il entre dans une liste unique de l'opposition ainsi qu'il l'a décidé, n'aura donc pas droit, en tant que tel, à l'accès officiel à la télévision.
    Il rit : « De toute façon, ironise-t-il, chaque fois que Simone Veil ouvre la bouche, elle perd des voix. Je l'ai convoquée – c'est le terme qu'il emploie – pour lui dire : si vous visez 43 % des voix, vous pouvez parler, vous pouvez dire ce que vous voulez ; en revanche, si vous en visez 50 %, par pitié, taisez-vous ! »
    Je lui fais remarquer que Simone Veil, croyais-je, était une de ses amies.
    « Ça ne change rien, elle fait une mauvaise campagne, voilà tout ! »
    Puis il me parle de Bernard Pons, toujours secrétaire général du RPR : « C'est entendu, il viendra, me dit-il, entre les seins de Simone ! Encore que je ne peux pas perdre mon secrétaire général. J'ai encore besoin de lui !
    – Si l'interprétation sur la loi de 1977 ne te satisfait pas, suggéré-je, fais travailler tes juristes !
    – Tu rigoles, ça les fatigue ! » plaisante-t-il.
    Je ris : « Quand grandiras-tu ? »
    Il me répond avec gaîté : « Tu vas voir, on va gueuler comme des putois contre ta loi ! »

    Coïncidence, Maurice Szafran vient me voir tout de suite après que j'ai raccroché le téléphone avec l'Hôtel de Ville. Il finit un livre sur Jacques Chirac 3 . Je lui demande pourquoi il a pensé à venir me voir sur ce (si vaste) sujet. Il m'explique que Chirac lui a dressé une liste d'une cinquantaine de personnes à interroger pour parfaire son portrait. « Il n'y avait pas de femmes, me dit Szafran. Je le lui ai fait remarquer. “Tiens, c'est vrai”, a dit Chirac qui a rajouté votre nom à la liste déjà faite. Voilà pourquoi je suis ici. »
    Je parle donc de Chirac à Szafran, puisqu'il est là pour ça. Il en ressort que je ne crois rien de ce qu'il dit, mais que, dans l'action politique, il ne ment jamais. Exemple : le soutien à Giscard en 1974, après avoir, en 1972 et 1973, dit tout haut le mal qu'il pensait de Chaban ; la prise du secrétariat général du RPR à la fin de l'année : depuis l'automne, il ne cessait de prévenir ses adversaires de ce qu'il allait faire. Et beaucoup d'autres choses encore.
    Szafran me demande si sa personnalité, ce qu'il peut faire, ce qu'il peut devenir m'inspire des craintes.
    Je trouve, pour répondre, les mots qui reflètent exactement ma pensée : « Ma crainte, pour lui, est qu'on dise un jour : Jacques Chirac est passé à côté de Jacques Chirac ; il aurait pu faire mieux ; il a été quelqu'un qui est passé à côté de lui-même. »

    Pauvre audiovisuel qui se cherche, se défait dès qu'il s'est (un peu) trouvé ! Quelle merveille d'absurdité, quelle absurde merveille ! Droguée d'audiovisuel, oui, je le suis. Et contente de l'être, de surcroît !

    2 avril
    Quelques lignes en rentrant du Gabon et du Tchad où le Premier ministre m'a emmenée pour montrer à Bongo, en quelque sorte, que la presse française était libre. Je raconte vite l'histoire : un document diffusé en France, réalisé au Gabon par un réalisateur de TF1, filmé avec l'accord d'Omar Bongo, a, selon le chef de l'État gabonais, offensé son pays. Il s'en

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