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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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première grandeur.
    Ai-je mauvais esprit, suis-je devenue particulièrement méfiante ? Je ne peux m'empêcher de me demander s'il ne s'agit pas d'un geste sur commande pour créer un drame entre les membres de l'Institution. La Haute Autorité se déchire, son mécanisme s'enraye, adieu la Haute Autorité ! Cela correspondrait, de façon assez habile, aux menaces émanant tous les jours du sommet...
    Gabriel de Broglie, qui éprouve la même crainte que moi, enterre la hache de guerre.

    Si j'étais André Gide, j'écrirais, comme il le fait parfois dans son journal, ou dans celui des Faux-monnayeurs , ces quelques lignes, transparentes quant à l'identité de celui qui en est le sujet, mais rédigées comme s'il s'agissait d'un début de roman.
    Que F. soit malade, il n'en fallait pas douter. De quelle volonté était-il armé ! Marcel B.-B. disait de lui que, jeune, il lui arrivait, à force d'opiniâtreté, de battre au tennis des joueurs dix fois mieux classés. Dans la durée, déjà, il était le meilleur.
    Cette rare opiniâtreté, F. était capable d'en faire preuve face à la maladie et face à la mort. Peut-être, après tout, pensait-il que la maladie et la mort, si fortes, reculeraient ?
    F. n'en était sans doute pas convaincu. Se le demandait-il même ? Pourtant, là comme ailleurs, il avait choisi de lutter. Le temps, son ami, longtemps son adversaire, l'avait-il fait gagner, cruauté suprême, pour mieux le perdre l'instant d'après ?

    27 juin
    « Mitterrand, me dit hier soir Michel Debré, me fait penser, toutes choses égales, à de Gaulle. Ils ont tous deux perdu le contact avec les Français de la même façon ; ils se sont enfoncés dans la politique étrangère, dans laquelle ils ont fort bien réussi, et, du coup, ils ont perdu les Français. »

    Puis, dîner avec Maurice Faure. Mitterrand l'a invité à le suivre en Russie où il s'est rendu en voyage officiel la semaine dernière. Le but était évidemment politique : cela fait des années que Mitterrand consulte Maurice Faure sur sa stratégie politique. Le plus souvent, il ne suit pas ses avis ; il l'écoute toujours, néanmoins, avec une extrême attention.
    Au cours d'une conversation, donc, un soir, Maurice Faure a proposé son plan au Président : que François Mitterrand, sans attendre les législatives, propose aux Français un abaissement de la durée du mandat présidentiel à cinq ans, qu'il le fasse voter par référendum, et qu'il se représente à la présidentielle dans la foulée, donc avant même les législatives. « Dans ce cas, plaide Maurice Faure, il prend tout le monde de court. » Il ajoute avec son romantisme méridional : « Et il passe le premier le pont d'Arcole ! »
    C'est le pari de Pascal. S'il gagne, tant mieux. S'il perd, il aurait perdu de toute façon !
    Mitterrand, intéressé, a retenu Maurice Faure plus d'une heure au Kremlin, après le dîner officiel, pour continuer la conversation.
    Le fera-t-il ? Et, surtout, s'il le faisait, gagnerait-il ?

    28 juin
    Difficile, l'équation pour l'exécutif est désormais celle-ci : continuer ou non avec les communistes ? Ceux-ci, réunis en comité central hier, gardent leur langue de bois. Pierre Juquin a apparemment demandé une modernisation du Parti, les autres s'en tamponnent. Le problème n'est effectivement pas là : Mitterrand peut-il continuer à mener sa barque, Mauroy à gouverner avec des communistes trop critiques envers le gouvernement ? Continuer sans eux ? Mais alors, avec qui ?
    Mitterrand hésite : reprendre en main l'information, qui, selon lui, lui a fait tant de mal ? Accepter le plan de Maurice Faure ? C'est prendre un risque énorme. Quel président de la République, ou plutôt qui, président de la République, oserait ainsi renverser la table de jeu ?

    30 juin-1 er  juillet
    Dernier, je crois, voyage officiel de Pierre Mauroy. Je dis le dernier, car, en revenant du Gabon il y a quelques semaines, sans savoir jusqu'à l'atterrissage de son avion si les communistes partaient ou restaient dans son gouvernement, le Premier ministre m'avait assurée que, symboliquement, après ces moments d'incertitude partagés, il me demanderait d'être son invitée pour le voyage officiel dont il pensait qu'il serait le dernier.
    Du coup, lorsque son cabinet m'a appelée il y a quelques jours pour me proposer de partir pour Rome – Rome, la ville de mon cher Gilles Martinet –, j'ai su tout de suite que c'était,

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