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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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les seuls rapports à entretenir avec eux sont des rapports de force. La Haute Autorité, il l'a dit à de nombreuses reprises avant d'arriver à Matignon à Georges Fillioud qui me l'a répété, lui paraît utopique et inutile : à son sens, l'État est l'actionnaire principal de la télévision française, c'est à lui et pas à une institution indépendante de la contrôler, autant que faire se peut. Et donc d'imposer ses hommes à la tête des différentes sociétés de programme.
    C'est une attitude que je comprends très bien, à cette nuance près que la Haute Autorité existe aujourd'hui et que chacun a à en tenir compte.
    Il me le dit sitôt les formules de politesse échangées : l'indépendance des médias, c'est mon problème. Ce n'est pas le sien.
    J'ai cependant à régler avec lui un problème mineur, mais urgent, celui de la retransmission par la Télévision des débats sur le référendum 7  ; mais ce n'est pas de cela, de toute évidence, que Fabius souhaite me parler. Nous parlons certes du référendum et de politique. Puis (encore ! c'est devenu obsessionnel !) de Pierre Desgraupes.
    « Nous avons notre candidat pour Antenne 2 », me dit-il
    Je demande :
    « Qui ça, nous ?
    – Le Président et moi. C'est Jean-Claude Héberlé ! »
    Les mots sortent de ma bouche sans que je puisse, il me semble, les contrôler. Je dis : « Manque de chance, ce n'est pas le mien ! » Ni d'ailleurs celui de plusieurs membres de la Haute Autorité.
    La rencontre s'achève à peu près sur ces mots : il m'a dit ce qu'il avait à me dire. Y compris la phrase qui tue : « Je sais bien que vous êtes journaliste de profession, que la Haute Autorité peut espérer survivre à une défaite de la gauche. Vous pouvez certes penser cela, encore que je n'y croie pas. Mais mon métier à moi, c'est de tout faire pour gagner ! »
    En dehors de la gracieuseté qui consiste à me dire que je prépare mes arrières, je comprends que sa logique n'est pas la mienne.
    D'abord, il n'a jamais cru en la Haute Autorité, et donc n'a jamais menti, lui, sur ce qu'il en attendait. Et puis sa logique, la logique politique, est à l'inverse de celle de l'institution que je préside. Il a été chargé, deux ans avant les législatives, d'enrayer et si possible inverser le déclin du Parti socialiste, puis de gagner les élections. Il se fiche du tiers comme du quart de notre indépendance ! Et il croit – assez naïvement, je trouve – qu'il suffit au Président et au gouvernement d'imposer ici ou là un homme à eux pour renverser le cours des choses.
    Cela étant, quand je suis sortie de son bureau, je me suis demandée ce que voulait dire ce « nous » dans la phrase : «  Nous avons décidé : c'est Jean-Claude Héberlé. » Est-ce là vraiment la volonté du président de la République ? Dans ce cas, après les conversations difficiles que nous avons déjà eues sur Pierre Desgraupes, est-ce qu'il ne veut plus avoir de contact avec moi à ce sujet et a-t-il chargé son Premier ministre de « passer en force » par-dessus la Haute Autorité ? Avant 1985 ? Mais comment ?
    Ou bien s'agit-il d'un pluriel de majesté qui n'englobe pas le président de la République ? Dans ce cas, Fabius, dont Héberlé est un ami, et qui pense sans doute qu'il s'agit de l'homme à poigne idéal pour changer l'information à la télévision, me donne-t-il simplement son nom à titre d'indication de sa préférence ?
    Tout de même, par rapport à Mauroy, quel changement ! Je ne déteste pas Laurent Fabius. Il ne m'aime pas. Que faire ? Nous serons bien obligés de nous supporter !
    Je reviens sur la phrase de Laurent Fabius tout à l'heure, qui voulait être assassine : « Je sais que vous êtes journaliste... » Je m'en énerve encore, à cette heure tardive. On ne peut le dire plus clairement : à ses yeux, ma réticence à exécuter les volontés du gouvernement ou du Président s'explique par mon désir de préserver l'avenir avec la future majorité chiraquienne ! Je n'ai même pas eu l'esprit de répondre que, de toute façon, je ne suis nommée que jusqu'en 1988, date de la fin du septennat de Mitterrand. Je retournerai alors à mon métier – certes, enfin je l'espère ! –, mais je n'aurai nul besoin pour cela de jouer au plus fin entre la majorité actuelle et la future !
    Il est clair que ma volonté de préserver la cohésion de la Haute Autorité est étrangère à sa réflexion.
    De

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