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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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cette conversation je n'ai pas dit un mot à mes collègues. Sans doute seul Paul Guimard (qui a ses entrées à l'Élysée) est-il parfaitement au courant de ma conversation avec Fabius. Je préfère pour le moment ne pas en parler, y compris avec lui.

    6 septembre
    Fabius, justement, hier à la télévision.
    Je ne le regarde que quelques minutes, mais tout est dit. Son ton, son air : moderne, pas « baderne ». Désidéologisé. Mais n'est-ce point trop tard ?
    Je crains pourtant que, derrière le discours apparemment moderne, le fond reste assez sectaire (voir plus haut).
    Alors qu'il parle de « décrispation », il me souffle de recourir à des sanctions contre des journalistes qui parlent sans y voir malice de Jean-Edern Hallier.

    Parenthèse sur Jean-Edern, que je connais fort bien et depuis très longtemps. Il a été un des premiers à m'appeler lorsque j'ai été nommée à la Haute Autorité. Comme tant d'autres, il voulait une émission de télévision, tout de suite, dès le lendemain matin. Rousselet, me disait-il, la lui avait promise, le Président aussi.
    Je l'avais accueilli assez fraîchement, trouvant sa démarche franchement intempestive. Prématurée, de surcroît, et singulièrement maladroite : il me demandait, ce qui prouve qu'il n'avait rien compris au rôle de la Haute Autorité, que je l'impose, tout à trac, dans les cinq minutes, à un président de chaîne qu'au demeurant nous n'avions pas encore nommé !
    Bref, il ne l'a pas eue, cette émission. Il en a conçu une grande haine envers François Mitterrand. A-t-il finalement écrit, depuis lors, son ouvrage assassin contre Mitterrand, Mazarine (puisque c'est ainsi que, maintenant, je sais qu'elle s'appelle) et les femmes ? Je pense que oui.
    En tout cas, il n'est plus en odeur de sainteté ni à l'Élysée ni à Matignon. De là à sanctionner – pourquoi, comment ? – les journalistes qui parlent de ses livres (souvent fort bons) ou de ses actes (souvent insensés), il y a un monde !

    Grandes manœuvres entre François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing, paraît-il, sur le scrutin à la représentation proportionnelle. Je ne peux m'empêcher de penser qu'une assemblée parlementaire élue à la proportionnelle équilibrerait davantage le pouvoir absolu du Président. Je sais néanmoins que ce n'est pas pour cette raison, à l'évidence, que Mitterrand a choisi de changer le mode de scrutin. Il cherche simplement un moyen de donner à la majorité socialiste une dernière chance de gagner.
    Est-ce que cela suffira ? Michel Debré, qui est aussi un expert électoral, même s'il n'aime pas en convenir, me dit que non, que la gauche sera battue de toute façon, proportionnelle ou pas. D'autres que lui pensent le contraire.
    Tout est mieux, en tout cas, il me semble, qu'un Parlement aux ordres et qu'un système purement majoritaire.

    2 octobre
    Hervé Bourges m'a parlé aujourd'hui, confidentiellement, du quart d'heure du Premier ministre sur TF1. Celui-ci m'en avait déjà parlé en août dernier sans que j'y prête peut-être assez d'attention. Son projet, ou plutôt celui de ses collaborateurs, consiste à intervenir sur les antennes tous les mois dans le journal de 20 heures. Je lui avais répondu, je m'en souviens, qu'une périodicité régulière tôt ou tard lui poserait forcément problème, car il serait un jour ou l'autre obligé de répondre publiquement à une question d'actualité à un moment où il ne le jugerait pas souhaitable 8 .
    Bourges me demande s'il est possible que le temps de parole du Premier ministre ne soit pas pris en compte dans celui du gouvernement. J'en suis restée sans voix : comment pourrait-on dissocier les interventions du Premier ministre de celles du gouvernement ?
    En plus, il paraît, me dit Bourges, très ennuyé, que Pierre-Luc Séguillon 9 et même Alain Denvers, devenu dans l'intervalle directeur de l'information – non sans appui ! –, râlent contre la présence obligatoire, au JT, d'un invité systématique, aussi politique que le Premier ministre.
    Bref, il demande l'intervention de la Haute Autorité sur l'opportunité d'un quart d'heure laissé au Premier ministre. Je lui dis que je ne crois pas possible d'accorder un temps de parole au Premier ministre sans droit de réponse accordé à l'opposition.
    Bien sûr, j'en parlerai en séance plénière de la Haute Autorité 10 .

    3 octobre
    Je n'ai rien voulu consigner ici des trois semaines que je viens

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