Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
tard. »
Il ajoute : « Pour ceux qui se demanderaient encore si, vraiment, le PS a viré à droite, je leur recommande de lire ou de relire le discours de Georges Marchais devant le comité central de juillet 1972. Quelques jours après la signature du Programme commun, il nous faisait déjà le même procès qu'aujourd'hui. Vous vous rappelez que le texte n'en a été publié par Le Monde qu'en 1975 ! »
Virage à droite ! Il ironise : « Je vous garantis qu'un virage à droite ne serait pas chose commode, car il faudrait trouver des partenaires ! »
C'est un biais pour parler longuement de ce qu'il entend par « compromis historique 41 ».
« Les partis communistes européens sont sur la ligne du compromis historique. Voyez l'Espagne : Santiago Carrillo est un ami, mais, franchement, il ouvre maintenant son parti à qui veut. Le Portugal, c'était peut-être un peu différent, parce que le Portugal était légèrement sous-développé, et que le PC portugais n'était donc pas exactement comparable au parti italien. Quoi qu'il en soit, la volonté a été partout d'ouvrir le Parti communiste. Mais il fallait l'ouvrir à quelqu'un. À qui ? C'est parce qu'ils n'avaient pas d'autres partenaires que les communistes français ont adopté une attitude différente : ils ont ouvert en direction des socialistes à l'intérieur de l'union de la gauche. D'autant qu'ils pensaient ne rien avoir à craindre du PS, largement minoritaire par rapport à eux ! »
François Mitterrand avait, lors d'une émission précédente, fixé à 7 millions de voix le nombre de voix socialistes dont il se satisferait aux futures législatives.
« Tout de même, lui dit Joseph Paletou, vous avez fixé la barre très bas.
– Oh, répond Mitterrand, tous les journalistes ont dit que c'était beaucoup trop haut, que je péchais par orgueil ; alors, maintenant, tant pis pour vous ! »
29 novembre
À l'Élysée où il m'a donné rendez-vous, je rencontre Jean Serisé, conseiller le plus proche de VGE. Nous parlons de l'image de celui-ci. Il n'élude pas les questions sur sa fragilité : « Son image s'est améliorée pendant un certain temps, convient-il. Mais les attaques ont repris : sur le laitier 42 , vous avez raison ; sur sa fragilité, qui n'est pas réelle ; sur le fait qu'il puisse être en psychanalyse, même. »
Il me parle de l'ambiguïté du rôle de président, à la fois arbitre et leader politique. C'est pour cette raison que Giscard a voulu se positionner à l'écart et au-dessus des partis. Résultat : c'est Raymond Barre qui « encaisse », qui est en première ligne, ce qui ne le rend pas très populaire.
Mais il n'en reste pas moins que le Président ne peut pas être absent :
« Les Français, me dit Serisé, n'aiment pas non plus les présidents qui inaugurent les chrysanthèmes ! Un président absent inquiète. »
Alors, quelle est la juste mesure entre le silence et l'intervention politique ?
« Le Président est constamment présent dans l'exercice de ses fonctions présidentielles. »
De ce point de vue, m'affirme-t-il, son champ d'action est illimité : le quotidien des Français, la politique extérieure, et, de temps en temps, une intervention solennelle sur tel ou tel problème. Exemple : son discours à Carpentras. « Le Président n'y a pas dit de choses nouvelles, mais il les a dites sur un autre ton, plus autoritaire. Il est de temps en temps nécessaire de le faire ! »
30 novembre
Après Serisé, j'ai demandé rendez-vous à Riolacci, un des hommes les plus écoutés par Giscard. Je m'attendais à un conseiller politique à l'image de Pierre-Brossolette ou de Jean François-Poncet, élégant et élancé. Je tombe sur un Corse qui ressemble à tant d'autres insulaires, douaniers ou préfets – j'aurais dû m'en douter –, petit et râblé, presque chauve et rondouillard. Quelques phrases suffisent néanmoins pour que je me rende compte qu'il est avant tout un politique.
« Je considère qu'à l'heure actuelle, 4 à 5 % des électeurs sont traumatisés par la rupture de l'union de la gauche. Ces voix sont en l'air, en quelque sorte. Vont-elles y rester ? Ou sont-elles au contraire en attente, vont-elles se fixer ailleurs, sur notre électorat par exemple ? On ne peut envisager cela avant le mois de février. Disons que la rupture a été ressentie, chez les militants de la gauche, comme la rupture d'une espérance, mais que je ne crois
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