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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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propos laisseront quelque part des traces écrites, et il me demande, toutes les fois que je le rencontre, quand je compte les publier !
    L'entrée des leaders de la majorité dans le palais présidentiel, me raconte Peyrefitte, a été manifestement très confuse : il y avait là, aux portes, des tas de gens qui ne se connaissaient pas. Avant le repas, Jacques Chirac, qui a accepté l'invitation malgré les éclats du comité de liaison de la majorité, sort un papier de sa poche, le lui montre et lui demande, façon de parler : « Tu crois que j'aurai le temps de lui lire mon petit poulet ? »
    Peyrefitte répond qu'il pense que non, mais que l'on verra bien.
    Sitôt assis, les « chefs », placés au centre de la table (VGE, Edgar Faure, Jacques Chirac, Jacques Chaban-Delmas, Alain Peyrefitte, Simone Veil, et, leur faisant face, Raymond Barre, Michel Debré, Jean-Pierre Soisson et Jean-Jacques Servan-Schreiber), commencent la discussion sur la division (inespérée !) de la gauche, avec comme leitmotiv : « Pourquoi, nous, ne savons-nous pas en profiter davantage ? »
    Entre le saint-pierre à la cherbourgeoise et le carré de veau landais, Chirac, d'un coup, attaque : « Tout cela, dit-il, est bel et bon, mais si nous parlions un peu de la majorité ? »
    Des propos sont échangés, que Valéry Giscard d'Estaing fait le plus souvent mine de ne pas entendre. Il le dit d'ailleurs à plusieurs reprises, assez drôlement : « Je préfère ne pas écouter », ou bien : « Je vois bien que ces paroles ne s'adressent pas à moi ! »
    Un peu après 14 heures, il lit son propre texte. Une allocution courte mais bien sentie, où il justifie les élections primaires entre RPR et non-RPR, gage de démocratie et non d'« un affrontement au sein de la majorité, qui serait fratricide et suicidaire ».
    On pouvait croire que la cérémonie était finie. Erreur : ce n'était que la fin du premier acte.
    Les huissiers de l'Élysée viennent quérir l'un après l'autre les personnalités, une quinzaine environ, avec lesquelles le Président prendra le café dans un salon voisin, baptisé salon Pompadour. Ils font quelques oublis, remarqués par les oubliés, comme Edgar qui ne rejoint pas la petite troupe. Jean-Jacques Servan-Schreiber serre la main à tout le monde de sa main gauche (« Pourquoi diable de sa main gauche ? » se demande Alain Peyrefitte) et prend congé : il s'en va assister à un enterrement. André Rossi se propose pour le remplacer à la cérémonie du café, mais, honte, les huissiers, qui ont des ordres stricts, ne le laissent pas entrer.
    Sitôt réunis dans la pièce où le café est servi, Jacques Chirac sort son texte – son « poulet », comme il l'avait dit à Peyrefitte – et le lit avec sa vigueur coutumière : il commence par quelques mots provocateurs dans le style du discours qu'il a prononcé à Vierzon, où il accuse de complot anti-RPR l'Élysée et Matignon 6 .
    Jean-Pierre Soisson intervient alors avec brutalité pour le contrer ; il refuse l'accusation de « complot » et s'irrite : « Un peu de décence ! Tu ferais mieux de te taire ! Je te l'avais toujours dit, que nous chercherions à unifier les courant non-RPR de la majorité !
    – Tu ne l'avais pas dit comme cela, réplique Chirac avec force, tu mens !
    – C'est toi qui mens ! » insiste Jean-Pierre Soisson.
    Tout cela sous le regard froid de Giscard, qui laisse faire son chevau-léger en ponctuant la scène de quelques phrases présidentielles : « Dois-je rappeler que la décence interdit de parler d'une certaine façon, ici, à l'Élysée ? Faites attention, vous êtes sur une mauvaise pente, vous allez perdre les élections ! »
    Analyse de Peyrefitte sur cet échange un peu incongru, il faut le dire, chez le président de la République qui ne s'attendait pas à ce règlement de comptes : tout le monde est conscient que le déjeuner n'a pas apporté les résultats escomptés. Euphémisme : « On peut, précise Peyrefitte, parler de véritable catastrophe. »
    Les autres invités, pendant ce temps, sont restés dans la salle des fêtes où ils font un potin terrible. Plusieurs fois, Valéry Giscard d'Estaing a demandé qu'ils fassent moins de bruit. Sans succès.
    À 15 heures, un huissier galonné pousse la porte du salon où sont réunis les quinze chefs de la majorité, et, du regard, interroge le Président. Cela veut dire, tout le monde le comprend ainsi :

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