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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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propres électeurs savaient ça ! Maurice Faure et François Mitterrand pensent qu'il faudra changer le mode de scrutin, introduire la proportionnelle dans la foulée de la première élection, pour limiter les dégâts en cas de dissolution.
    Entre Maurice Faure et Mitterrand, une divergence de taille : les nationalisations. D'où cette conversation qu'il me raconte :
    « Vous ne pouvez pas tout faire, plaide Maurice Faure, vous ne pouvez pas tout mettre par terre. Contentez-vous de faire 20 ou 30 nationalisations, pas trop gênantes pour l'économie ! »
    F. Mitterrand : « Impossible ! »
    M. F. : « Mais alors, l'économie vacillera ! »
    F. M. : « On verra ! »
    « Bref, sur toutes les questions embarrassantes, me dit Maurice Faure, Mitterrand m'a répondu : “On verra, les choses ne se passent jamais aussi mal, nous briserons les vases, nous surprendrons tout le monde !” »
    Ce qui est fascinant, c'est que les scenarii étudiés entre les deux n'ont jamais été ceux de la réussite de la gauche, toujours ceux de l'échec. Alors, à quoi bon ?
    Pour Maurice Faure, en tout cas, c'est certain, Mitterrand est obsédé par l'image de Léon Blum qui n'a régné que six mois, dont l'image a pourtant dominé la première partie du xx e  siècle. Je pense, moi, que Mitterrand pense aussi à Mendès France qui n'a été président du Conseil que sept mois et sept jours, et auquel la gauche non communiste ne cesse de tresser des couronnes !

    13 ou 14 janvier
    Yves Guéna me raconte le fameux comité de liaison de la majorité qui a précédé la rupture entre les chiraquiens et les autres. Cette fois, la réunion avait lieu rue de Lille, au siège du RPR dont c'était le tour de recevoir ses partenaires. Les délégations étaient conduites par Roger Chinaud pour le Parti républicain, André Diligent pour le CDS, Bertrand Motte pour le Centre national des indépendants, et Yves Guéna pour le RPR. D'entrée de jeu, Guéna a haussé le ton et chargé d'électricité cette réunion : à l'origine de cette tension, donc, la publication des candidatures giscardo-centristes.
    « Je constate, dit Guéna, la constitution d'un front anti-RPR. J'attends vos explications. »
    Roger Chinaud explique que le RPR a voulu ces primaires, que personne n'a jamais envisagé, sauf exception, de candidature unique, qu'il fallait éviter que chacun des mouvements de la majorité pousse en avant un candidat différent, que le chiffre optimal pour éviter l'anarchie paraît être deux candidats, et pas trente-six.
    Yves Guéna a repris alors la parole : « Vous organisez un affrontement national, et non un réajustement au coup par coup, d'une circonscription à l'autre. Vous violez les accords que nous avions conclus en septembre ! »
    André Diligent : « Violer ? Vous allez trop loin ! »
    Charles Pasqua : « Parfaitement ! Violer ! »
    La discussion ne va pas plus loin. Yves Guéna déclare caducs les accords de la majorité. Il maintient son accord pour les désistements du deuxième tour, mais le RPR présentera ses candidats contre les principaux leaders centristes.
    « Deux courants ? me dit Jacques Toubon que j'interroge en sortant de chez Guéna. Pas seulement : notre combat n'est tout simplement pas celui du Président. »

    17 janvier
    Déjeuner avec Alain Peyrefitte à la Chancellerie : bar sauce hollandaise et selle de veau Orloff. La table de la place Vendôme ne passait pas, avant lui, pour être la meilleure. Mais c'est un gourmet : les cuisiniers font attention.
    Il me raconte le dernier déjeuner des chefs de la majorité à l'Élysée qui a eu lieu la veille, le 16. Il le fait avec ce mélange d'intelligence et de rouerie politique qui le caractérise. Il y a en lui, je le sais depuis longtemps – et notamment depuis que, tout jeune élu, il avait été invité par Maurice Duverger devant la promotion de Sciences Po à laquelle j'appartenais –, un extraordinaire équilibre entre l'action et la réflexion, entre ses choix personnels et collectifs, une sorte de cynisme cultivé et distancié qui n'appartient qu'à lui.
    Évidemment, d'emblée, quelque chose nous rapproche : il tient ses carnets tous les jours, et notamment, m'a-t-il dit, les comptes rendus de toutes ses conversations avec de Gaulle 5 . Je lui ai dit que je faisais de même avec l'actualité, peut-être moins glorieuse, d'aujourd'hui. Lorsqu'il me parle, il est l'un des seuls à savoir que ses

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