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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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avant le déjeuner de l'Élysée, Jacques Chirac lui a lu le texte de la déclaration qu'il comptait lire devant Giscard. « De ce que Pierre Juillet voulait qu'il dise, plutôt, ajoute-t-il sans gentillesse. J'en ai été proprement effrayé, continue Debré. C'était un discours “fracasseur”, même pas correct avec le président de la République ! J'ai commencé à reprendre le texte, à arrondir les angles. »
    Il me confirme que Jacques Chirac est arrivé à l'Élysée préoccupé uniquement de savoir quand et comment il pourrait placer sa bombe.
    Passe le déjeuner, arrive l'heure du café devant la tapisserie du Roi-Soleil. Michel Debré commence, tant il a peur que Chirac, visiblement très énervé, en fasse trop. Il demande à Giscard de lever les ambiguïtés, insiste sur son inquiétude, demande si vraiment quelqu'un ici veut liquider le RPR. Il aborde le cas de Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui n'est pas là mais dont la présence parmi les conjurés du pavillon de musique donne des boutons au RPR. Après quelques échanges avec Jean-Pierre Soisson qui jure avoir respecté les accords majoritaires, Jacques Chirac prend la parole sur un ton que Michel Debré trouve « inadmissible », car il y a chez lui, même vis-à-vis de Giscard qu'il n'aime pas, un respect légitimiste de la fonction de président de la République. Tout y passe : le rôle du Premier ministre, l'« utilisation abusive » de Giscard qui intervient bien trop dans la campagne !
    À partir de ce moment, la version de Michel Debré diverge de celle de Peyrefitte (ou bien est-ce moi qui ai mal noté ?). Debré me dit que le Président a fait le tour des différents leaders. Rossi, qui a fini par entrer dans le salon Pompadour, dit que les radicaux signeront le pacte majoritaire et qu'il se fait fort d'obtenir de J.-J. S.-S. qu'il ne présente pas de candidats contre les candidats uniques de la majorité, s'il y en a. Lecanuet dit la même chose. Christian Bonnet 10 se différencie en soulignant à quel point ces bagarres incessantes sont dangereuses pour la majorité : « Nos électeurs en ont ras-le-bol », dit-il. Poniatowski et Chinaud se taisent. Après que Christian Bonnet a achevé son propos, Jean-Pierre Soisson reprend la parole : il a bien, selon Michel Debré, eu cette phrase en direction de Chirac : « Je te l'ai dit depuis le mois de juin, que j'avais des conversations avec les autres partenaires de la majorité ! » Et c'est Chirac et non Soisson qui aurait proféré cette exclamation : « Un peu de décence ! Tais-toi ! »
    À ces mots, me dit mon interlocuteur, la pupille de Giscard se dilate. Il laisse tomber quelques mots du genre : « J'ai entendu parler de décence ou d'indécence à l'égard du président de la République. Je ne sais pas où vous avez l'habitude de tenir ces discussions. Je vous rappelle que vous êtes ici à la Présidence de la République ! »
    Raymond Barre intervient après un silence. « J'entends parler d'agression, dit-il, je suis surpris, il me semble que je pourrais être le seul à parler d'agression 11 . Là n'est pas le problème ! » Il termine par deux remarques ; la première, sur la fonction de président de la République : « Il déterminera lui-même ce qu'il a à faire. » La seconde, sur son rôle à lui, Raymond Barre : il redit qu'il est dans ses fonctions de conduire la majorité. « Si les partis s'étaient bien comportés, ajoute-t-il, ils auraient aujourd'hui une cote plus favorable. Vous ne réussirez que dans l'unité : faites attention, vous partez pour vous faire battre, vous êtes sur une pente dangereuse ! »
    « Pendant tout ce temps, me dit Debré, j'ai eu peur que Jacques Chirac, d'une nervosité inouïe, ne casse son fauteuil !... »
    « Ce qui me préoccupe aujourd'hui, ajoute-t-il après diverses considérations sur Barre (“Si la maîtrise politique des choses était à Matignon, cela se saurait !”) ou sur Jean-Jacques Servan-Schreiber (“Il a fait le forcing sur ses candidats, mais c'était de l'agitation”), c'est le fonctionnement de Jacques Chirac. Guéna n'est pas un homme de négociation, Monod encore moins. Désormais, ce n'est plus la peine de mettre Soisson, Lecanuet et Chirac dans la même pièce ; il faudra bien pourtant reprendre contact : Ponia et moi, Chinaud aussi, peut-être, nous pourrons jouer les bons offices. »
    Je le trouve effectivement très critique sur Jacques Chirac, en ce

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