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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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résister.
    En dehors de cela, comment dire, il me paraît beaucoup moins sûr de sa victoire que la semaine précédente. Je suis incapable de savoir ce qui, en lui, me donne cette impression-là, ni sur quelles phrases exactement je base mon opinion. D'ailleurs, il ne dit rien, ou à peu près, sauf cette phrase que je l'ai déjà entendu proférer à l'occasion d'un autre meeting et qui révèle, comme toujours, sa volonté de montrer que les communistes sont des gens sérieux, incomparablement moins amateurs que les socialistes.
    Je me demande, en le regardant, comment il aurait supporté ces mois à la mairie de Paris s'il n'avait pris la judicieuse décision (pour lui) de faire son tour de France. Non parce qu'il a récupéré des voix que je ne crois pas très nombreuses. Mais tout simplement parce que l'inaction l'aurait sans doute « désuni ». Sa position n'est pas facile, en effet, et je me dis que, passé l'euphorie de l'élection parisienne, il a eu le temps de mesurer la perte de pouvoir qui a été la sienne après son départ de l'hôtel Matignon. Il a choisi de se lancer dans la France comme d'autres se noient dans l'alcool. Comment ne pas le comprendre : il est à court, il a besoin de sa drogue sans laquelle il ne serait pas Chirac.
    Je continue ces notes : dans l'intervalle, Pierre Mauroy est arrivé, épuisé. Il s'est endormi sur ses dossiers dès que l'avion a franchi la barre des nuages.

    J'en arrive à André Chadeau, le 22 février, avec lequel j'ai déjeuné dans un restaurant des Champs-Élysées, je ne sais jamais si c'est le Doyen ou Chez Laurent. À l'heure où il m'a parlé, il m'a semblé, lui, beaucoup moins pessimiste sur l'avenir de la majorité qu'il l'était quinze jours plus tôt à Lille. Encore que je me rappelle qu'il m'a dit, au cours de ce déjeuner, que ses bagages étaient prêts, qu'il était sans doute temps pour lui de changer de vie et de gagner le privé : « De toute façon, je ne peux pas rester vingt ans préfet de Lille ! »
    Je crois – tant pis pour cette intrusion dans sa vie privée, qui ne me concerne pas – que sa femme, l'ancienne épouse du bouillant et bruyant Alexandre Sanguinetti, aurait envie de retrouver la vie parisienne !
    Lui, manifestement, pense que les affaires électorales ne sont pas bien conduites par la majorité. Il raconte avec une assez grande drôlerie comment, le dimanche précédent, lorsque deux ou trois nouvelles candidatures RPR ont été annoncées dans le Nord contre des candidats giscardiens – des secrétaires d'État –, il a appelé la permanence du ministère de l'Intérieur. Il a joint Paolini 19 chez lui pour lui parler des grandes manœuvres chiraquiennes dans le Nord : Paolini n'en savait rien et lui a fait savoir qu'au demeurant le Nord n'était pas le seul département où les choses se passaient de manière anarchique du côté de la majorité. « Il ne savait même pas, a plaisanté Chadeau, que Chirac avait annoncé de nouvelles candidatures à Paris ! »
    Vendredi 3 mars, avec Guy Bois, mon ami historien communiste, et le maire, également communiste, d'Antony, nous avons dîné dans je ne sais quelle auberge du Cheval blanc, sur la route nationale 20 : plats copieux, sympathiques, la cuisine canaille chère à Jacques Chirac, et, autrefois, avant sa maladie, à Georges Pompidou. Ai-je affaire à une autre race de communistes, ou à des oppositionnels sophistiqués, toujours est-il que si j'essaie de résumer mes impressions, il me semble d'abord que le principe de désistement « républicain », quoi qu'en disent Marchais ou Leroy, est acquis, car, me disent-ils, le Parti communiste volerait en éclats s'il en était autrement : il n'a jamais été sérieusement question d'envisager autre chose, mais simplement de faire semblant de monnayer quelque chose d'en réalité non monnayable.
    Il me paraît ensuite que la direction de Georges Marchais est sinon contestée, du moins regrettée par un grand nombre de communistes. Sans, m'assure Guy Bois, que les affrontements entre tendances du PC soient aussi figés que je le raconte dans mes articles : mes interlocuteurs regrettent apparemment que Roland Leroy soit trop fatigué, physiquement trop fragile, qu'il n'ait pas été en mesure, quand il le fallait, quand il le pouvait, de prendre le secrétariat général du Parti.
    Pour le reste, ils n'ont pas de mots assez durs pour éreinter les autres, les partenaires – tu parles ! – de

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