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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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été le seul à recevoir une lettre pour m'interdire de mettre mon texte sur les nationalisations en discussion devant le comité directeur ! »
    Son dégoût affiché lorsqu'il parle de tout cela, de la « lâcheté » – c'est son mot – des socialistes et des radicaux à l'égard des communistes.
    Curieux personnage dont je n'arrive pas à cerner la personnalité. Sympathique, novateur, imaginatif : j'entends bien les mots qu'emploient pour en parler ceux qui l'aiment bien. Je le trouve animé, au contraire, par une volonté de revanche, comme si, n'ayant pas pu faire du PSU le plus grand parti de la gauche, il ne s'était rallié au PS que de mauvais gré, comme s'il ne voulait pas reconnaître le leadership de François Mitterrand. Contre Mitterrand, contre Mendès, qui n'est pas allé assez loin, personne ne trouve grâce à ses yeux : ni Chevènement, ni Motchane, évidemment, mais pas plus Gaston Defferre qu'il prend pour un imbécile, ni Pierre Mauroy qu'il aimait bien, dans le temps. Personne sauf peut-être Pisani et Jean-Pierre Cot.

    Essayons de faire le bilan de tous les leaders interviewés par nous à France Inter tout au long du mois qui vient de s'écouler. Nous avons fait avant-hier, Joseph Paletou, Jean Lefèvre 18 et moi, le dernier de nos « petits déjeuners » de France Inter avant les élections. Qu'y a-t-il à retenir de ces heures passées ensemble ?
    D'abord, comme au théâtre, il faut distinguer ce qui se passe en coulisse du spectacle offert aux spectateurs : les coulisses ont été pour moi aussi intéressantes, voire plus, que le devant de la scène. Nous avons vu Jacques Chirac à Poitiers, en pleine nuit, au lendemain du discours de Vierzon où, face au chef de l'État, il s'était défini lui-même comme le recours possible. Lorsque nous l'avons rencontré ce matin-là, sa colère contre Giscard n'était pas retombée : il nous a dit tout net ce qu'il pensait de l'UDF – qui, pourtant, n'était pas encore officiellement créée – et des complots ourdis en douce contre lui dans les jardins de l'hôtel Matignon. Ce matin-là, je pense qu'il en a trop fait contre Giscard.
    D'ailleurs, quelques jours plus tard, il s'est aperçu que sa colère – ou celle de ses conseillers, comme dirait Michel Debré – passait mal, et qu'il était en train d'apparaître comme un diviseur. Du coup, il a mis une sourdine à ses accusations, à ses plaintes, et a désigné ses candidats contre ceux de l'UDF, mais dans le silence et la discrétion.
    Nous avons eu la chance d'aller trouver Jean-Jacques Servan-Schreiber à Nancy le lendemain de la création – officielle cette fois – de l'Union pour la démocratie française : nous faisant du charme, habile, politique, en un mot, pour une fois, il nous a expliqué à table, le soir, avant sa prestation du lendemain matin, quel rôle il y avait joué, et comment il s'était battu pour trouver un nom à ce qu'il appelle, sans se cacher derrière son petit doigt, un « front anti-RPR ».
    François Mitterrand a été, de tous, le plus sibyllin, du moins à l'antenne. Il a parlé de mauvais gré des communistes. On le comprend : il a continué de dire qu'il ne parle que sur les événements sur lesquels il peut agir, et qu'il ne parle pas des choses sur lesquelles il ne peut rien. Et il a la conviction de ne rien pouvoir, de ne rien savoir sur le PC. De deux choses l'une : ou bien celui-ci accepte les désistements en faveur des socialistes au deuxième tour, et dans ce cas, dit-il, la gauche peut gagner tout de suite. Ou il n'y a pas de désistements : alors le PC sera accusé d'assassiner le PS, « et, dans ce cas, a-t-il conclu, je lui souhaite bien du plaisir ! ».
    Puis on a vu Georges Marchais remonté comme une pendule, touchant à peine à la droite, tendu dans sa dénonciation des socialistes. Il faut dire que je ne comprends pas grand-chose – et nous sommes très nombreux dans ce cas – aux circonvolutions de la stratégie du PC depuis le mois de janvier. Les communistes ont essayé en deux mois tous les slogans, ils n'ont cessé de changer leur fusil d'épaule. Le 7 janvier, lors de leur conférence nationale, ils ne voulaient pas aborder la question des désistements avant le premier tour, ni reprendre à quelque niveau que ce soit le dialogue avec le Parti socialiste.
    Deux semaines plus tard, le 23 janvier, devant les journalistes invités à déjeuner au siège du comité central (déjeuner pour une

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