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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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nationale, il a été le premier à perdre. D'autant que les ministres RPR n'ont pas été choisis parmi ses amis. Voilà l'« amère victoire » dont me parlait Guéna la semaine dernière.
    Les députés socialistes sont plus nombreux que dans l'Assemblée précédente, mais ils sont frustrés de leur victoire.
    Les communistes, pendant ce temps, parlent entre eux : Roland Leroy avec Charles Fiterman et Maxime Gremetz, courtaud sur pattes et grande gueule.
    Pierre Joxe et Michel Rocard lisent ostensiblement Le Canard enchaîné pendant que Mitterrand, qui s'apprête à parler, griffonne des notes de son écriture irrégulière.
    Lorsqu'il monte à la tribune, il attaque de peur d'être attaqué : « Les élections étaient devant vous et vous étiez perdus. Elles sont derrière vous et vous êtes sauvés ! »
    Je retiens sa phrase presque en forme d'autocritique : « La gauche n'ayant pas su dominer ses contradictions, elle laisse à la droite le soin de gouverner avec les siennes. »
    En réalité, je m'en aperçois, lorsqu'il s'adresse aux députés, les travées occupées par les parlementaires de la majorité se vident. Comme si la cause était entendue, comme si, désormais, il comptait « pour du beurre » dans la vie politique. Il fait semblant de ne pas voir le départ massif de ses adversaires. Rude, rude, le combat !
    En marge de la séance, Michel Debré me confie qu'il aurait bien voulu être président de l'Assemblée nationale. À peine l'avait-il fait savoir à Jacques Chirac que Marie-France Garaud et Pierre Juillet l'ont bloqué. Jacques Chirac est venu chez lui, rue Spontini, lui demander de renoncer à ce projet : « Je ne peux pas retirer Edgar devant vous. » Quant à Chaban, il a dit à Debré, les yeux dans les yeux : « Je ne veux pas me retirer devant toi 31  ! » Avec le retrait de Debré et la victoire de Chaban-Delmas, Jacques Chirac a perdu sur les deux tableaux.

    25 avril
    On mesure l'état d'esprit de François Mitterrand à l'aune de la conversation que Pierre Mauroy me rapporte aujourd'hui. Il a évoqué avec lui, jeudi dernier, les changements nécessaires dans les instances de direction du PS. Mauroy demande le retrait de Jean Poperen au nom de je ne sais quelle règle fixant à moins de 20 % le nombre de parlementaires à l'intérieur du secrétariat. Mitterrand n'est pas d'accord, il veut garder Poperen. Il s'emporte brutalement : « Alors, dit-il à Mauroy, si je comprends bien, après ces élections, je n'ai plus le droit de dire qui je veux au secrétariat du Parti, ou qui je ne veux pas ? C'est clair, mais il faut qu'on me le dise. » Mauroy répond simplement après un bref mais lourd silence : « Parlons d'autre chose... »
    Le reste de la conversation se déroule sans incident.
    Gilles Martinet me raconte de son côté que les choses se sont mal passées, lors de la dernière convention nationale du PS, avec Didier Motchane et Jean-Pierre Chevènement. Hier, Motchane a accusé Mitterrand tout simplement, pour je ne sais quoi, de violer les statuts. Mitterrand a quitté la séance, laissant Dayan et Estier seuls avec tous les autres.

    26 avril
    Conversation avec François Mitterrand, ce matin.
    Lorsque j'arrive chez lui, il est en train de deviser avec son frère Robert sur leurs premiers souvenirs d'enfance. Pour Robert (un an de plus que lui), ce sont les locomotives de la gare d'Angoulême. Pour François, le bureau d'un grand-oncle, vers l'âge de quatre, cinq ans. Il rappelle longuement les cinq petites maisons habitées par sa famille, avec le chais de cognac, les voitures à cheval sous un hangar, l'odeur de la poussière, de l'écurie.
    Nous passons au premier étage où, tandis qu'il se rase – eh oui, quel honneur d'assister au lever du roi, privilège sans égal ! – avec un rasoir électrique qui ressemble à un revolver, il consent à parler du PS, et surtout des attaques – celles de Michel Rocard, essentiellement – dont il a été l'objet au soir du deuxième tour.
    « Quoi de plus normal que certains se disent : à mon tour ! Mais j'ai gardé assez de poids au PS pour que personne ne puisse faire un mouvement sans moi. » Il continue : « À vrai dire, les gens qui me critiquent maintenant n'ont jamais été avec moi. Je veux dire : je n'ai jamais été leur homme. Je n'ai pas dit qu'ils étaient contre moi, mais qu'ils n'étaient pas avec moi. Ni Jean Daniel, ni Michel Rocard, bien sûr, ni les chrétiens

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