Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
ce qui avait été prévu par le groupe de liaison, qu'on mette sur le tapis le problème des nationalisations. François Mitterrand l'a laissé faire. Le PC a refusé. Lors de la séance de l'après-midi, il a remis ça et Mitterrand l'a encore laissé faire. Même absence de réaction de Mitterrand quand Robert Fabre a interrompu la négociation. « Donc, il était au courant ! Et, ajoute Marchais, je dois dire que les autres dirigeants socialistes avaient, eux, l'air surpris. Pas Mitterrand ! » Il précise avec raison, me regardant : « J'y étais, pas vous ! »
d. – Michel Rocard a donné un coup de main inattendu à Raymond Barre en critiquant notre proposition de SMIC à 2 400 francs et en lui fournissant des arguments.
Arrive enfin le thème des oppositionnels communistes et de la discussion interne au Parti communiste : « Il n'y aura pas de discussion dans L'Humanité parce que nos statuts ne le prévoient pas. Il faudra changer de statuts pour cela. Nous le ferons pour le XXIII e Congrès. En attendant, Louis Althusser ne publiera pas son texte dans le quotidien communiste. »
Sur la discussion interne, d'ailleurs, il se laisse aller, et après m'avoir dit que la discussion était, sur le fond, une bonne chose et qu'il s'en réjouissait, il la clôt sur cette phrase : « Il n'y aura pas de discussion sur le fait que le PS soit le seul responsable de la défaite ! »
5) La collusion actuelle entre la grande bourgeoisie et le PS est enfin, selon lui, « entière et totale ». Le Parti socialiste dispose de fric et de moyens énormes à la télé et à la radio. Pas le PC qui d'ailleurs, toujours selon Georges Marchais, est et a été, pendant la campagne électorale, beaucoup plus attaqué que les socialistes. Mitterrand a été ménagé par la presse.
Quant à Pierre Mauroy, il le met violemment en cause à l'occasion de sa dernière déclaration au « Club de la presse » d'Europe 1. Mauroy a dit : « Nous ne pouvons pas renoncer à la politique d'union de la gauche, car le PS déclinerait et le Parti communiste redeviendrait prédominant. » Georges Marchais retourne la phrase et dit : « Vous voyez bien que les socialistes ne pensent qu'à leur intérêt de parti, et pas à l'intérêt de la France ! »
Au bout de cette charge, lui aussi convient que le Programme commun est mort, puisque les socialistes le disent, mais qu'il accepterait peut-être, désormais, un accord sur quelques grands thèmes, comme en 1965, tout en confirmant qu'il y aura bien un candidat communiste à la présidentielle de 1981.
Il n'y a qu'un seul point, dans le discours rageur de Georges Marchais, qui me donne à réfléchir. Lorsqu'il a dit que Mitterrand s'attendait à ce que le PS obtienne 30 % des voix et que, dans ce cas, il n'aurait pas eu besoin des voix du PC pour gouverner, il a fait naître un doute dans mon esprit. Je me dis qu'il a peut-être raison sur ce point : si le PS avait été aussi fort, Giscard aurait pu procéder immédiatement à son ouverture et appeler à Matignon un Mitterrand en rupture depuis plusieurs mois avec le PC.
Sans date, début avril
Communistes, suite. Autour de Louis Althusser, visage torturé, cigarette vissée aux lèvres, professeur de philosophie de tant de générations de normaliens, un collectif s'est organisé, composé essentiellement d'intellectuels du Parti 28 . Le résultat est un texte signé Althusser, qui a été publié par Le Monde mercredi, après avoir été refusé par L'Humanité , comme me l'a dit il y a quelques jours Georges Marchais. Il critique l'incohérence de la direction, ses volte-face 29 , et demande que s'ouvre une discussion interne au Parti.
Fin de non-recevoir de Marchais, quarante-huit heures plus tard, avec cette phrase inouïe : « Les statuts démocratiques du PC ne nous permettent pas d'ouvrir cette discussion en dehors de la préparation du XXIII e Congrès » – lequel, bien sûr, n'est pas à l'ordre du jour.
Heureusement que la gauche n'a pas gagné, me dis-je (je ne dois pas être la seule) !
9 avril
Congrès extraordinaire du RPR.
Dans une sorte de frénésie, Chirac et Marie-France, toujours au front, ont décidé de faire exclure des instances dirigeantes du RPR les membres RPR du gouvernement, et les présidents des assemblées.
Je n'ai pas assisté aux échanges, mais l'idée même de l'exclusion des ministres et de Chaban me paraît ahurissante. Qu'est-ce qui leur prend ?
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