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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Mitterrand !
    Quant au mode interne au PS, les rocardiens semblent l'avoir moins encore : le candidat sera élu au suffrage universel de ses membres entre 1979 et 1980, et Rocard ne dispose pas de secrétaires fédéraux : deux ou trois, tout au plus. Mitterrand en compte entre 30 et 35, le Ceres de Chevènement, une quinzaine, le reste est pour Mauroy.

    3 janvier
    Mauroy, suite. Il est donc furieux que les amis de Mitterrand aient raconté partout – et ceux de Rocard également – qu'il avait « calé » devant le premier secrétaire. Donc, aujourd'hui, mercredi à 15 heures – en l'absence de François Mitterrand qui ne veut pas se mêler aux péripéties immédiates de la lutte interne –, il a voulu préciser les choses au bureau exécutif. Et surtout définir sa position, si tant est qu'il le puisse : il lui faut rompre sans rompre avec la majorité sortante, et rejoindre Rocard sans avoir l'air de le faire. Quoi qu'il en dise, je ne le trouve pas dans une position très commode.
    Il a pris la parole en premier, sur un ton inhabituel dont, je pense, les membres présents ne le croyaient pas capable. Lorsqu'il m'en parle, je m'aperçois que je ne le lui connaissais pas moi-même, et pourtant, je l'approche, lui, depuis près de dix ans.
    « Je n'ai pas du tout apprécié la façon dont les choses ont été répercutées à l'extérieur, a-t-il dit avec une certaine solennité. Je souhaite certes la synthèse entre nos textes. Dans ces conditions, François Mitterrand avait apporté ses textes, et j'avais accepté qu'ils aient la préséance, puisqu'il est premier secrétaire. Mes documents restent néanmoins sur la table, je ne les ai pas retirés. Cette affaire a été faite pour que j'en sois la victime. Peu importe, j'en prends néanmoins acte. »
    Il a continué sur la reconduction de la majorité actuelle. Il se déclare hostile au retour du Ceres dans cette majorité, d'où le mouvement de Jean-Pierre Chevènement est sorti après les congrès de Pau et de Nantes : « Le Ceres a porté pendant trois mois des attaques contre la direction du Parti. Il n'est pas pensable qu'on puisse faire une majorité avec ceux qui ne portent pas le même jugement sur les choses. » Il fait allusion notamment aux positions trop antieuropéennes du Ceres, qui est aujourd'hui sur « une ligne plus nationaliste que jamais », dit-il.
    Autrement dit, il souhaite que soit reconduite la majorité d'Épinay sans une de ses composantes fondatrices. Il faut dire que Mitterrand a assez fait pour contrer le Ceres pour ne pas avoir été entendu.
    Mauroy revient en fin d'intervention sur la ligne d'Épinay : « C'est, dit-il, une page que je ne remets pas en cause. Je ne m'associerai jamais à une ligne qui remette en cause ce que nous avons fait depuis sept ans. Mais, de la même façon, personne n'est propriétaire de la ligne d'Épinay. Il faut faire l'analyse de ce qui s'est passé depuis mars dernier. Michel Rocard a finalement gagné dans l'opinion publique parce qu'il a posé et parce qu'il s'est posé des questions que tout le monde se posait. Nous ne pouvons pas faire l'économie de débattre de la possibilité de refaire aujourd'hui un programme commun avec les communistes, de la politique européenne, du fonctionnement du PS. Et puis il faudra aussi aborder le problème du socialisme lui-même et de la rupture avec le capitalisme. »
    Succès pour Michel Rocard : autour d'une contribution commune pour le futur congrès d'avril, il a rallié à sa cause Mauroy, le seigneur du Nord, n o  2 du PS. La majorité, telle qu'elle avait été dessinée à Nantes l'année dernière, a volé en éclats.

    4 janvier
    Claude Estier me le redit : 49 secrétaires fédéraux du PS sont favorables à Mitterrand, le Ceres en a une quinzaine ; le reste, c'est-à-dire finalement peu (moins, en tout cas, que ce que me disait Martinet), est à Mauroy. « Mauroy dispose des grosses fédérations, comme le Nord et le Pas-de-Calais, mais la Gironde, par exemple, ne marchera pas contre François Mitterrand. Pour la première fois, me dit-il avec tristesse, nous en sommes là : le Parti devra choisir entre Mitterrand et Rocard. »
    Je sens que, pour lui, c'est un tournant douloureux.

    Je vais précisément au siège de Michel Rocard, rue de l'Université, dans l'après-midi. Dans un coin de la salle de conférences, devant les tables de travail en verre fumé, une pancarte : « Bonne année 79 ! »
    À ces

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