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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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socialiste qui passe son temps à dire qu’il ne faut pas faire des promesses de Gascon, que le SMIC ne peut être augmenté à tour de bras, que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, etc. Un socialiste qui privilégie la croissance pour lutter contre le chômage, etc.
    Je ne dirais pas qu’il est une sorte de Raymond Barre de gauche, parce que Rocard est un militant politique depuis toujours, et qu’il est à l’aise, finalement, dans ce monde qu’il connaît par cœur. Ce que je veux dire, c’est qu’il est évident qu’il se fiche du tiers comme du quart des « 110 propositions » sur lesquelles Mitterrand a été élu. Il se sent libre vis-à vis d’elles : c’est la distance que Michel Rocard met entre les promesses de Mitterrand et les siennes qui insupporte le Président.
    Mitterrand a toujours pensé qu’il y avait un monde entre le socialisme et les tenants de la « deuxième gauche ». Il le pense plus que jamais au bout de deux ans de compagnonnage avec son Premier ministre.
    Pourquoi le garde-t-il ? Parce que le mythe Rocard existe toujours dans l’opinion publique et que lui, Mitterrand, n’a pas entamé sa popularité. En le nommant, il voulait, disent certains, « lever l’hypothèque Rocard », ce qu’il pensait facile : dans son esprit, moins d’une année suffirait pour que Rocard lâche les rênes. Aujourd’hui, il lui paraît impossible de s’en débarrasser : Mitterrand pense sans doute que, s’il le congédiait aujourd’hui, c’est lui qui en pâtirait et perdrait. Il attend donc un moment plus propice.
    Je n’ai pas d’interlocuteur précis en tête, mais je ne cesse de rencontrer des proches de l’un et de l’autre qui m’assurent, les premiers que Michel Rocard « creuse les inégalités », qu’il est prêt à caler sur les réformes sociales nécessaires pour être en mesure, le moment venu, de s’allier avec les centristes (à mettre en relation avec le double reproche qui lui a été fait de ne pas vouloir abolir la loi Méhaignerie sur le logement 23 ou de ne pas désirer réellement rétablir l’impôt sur la fortune) ; les seconds, que François Mitterrand est le tenant d’un socialisme archaïque, incompatible avec la modernité et incompatible avec l’harmonisation européenne.

    1 er  juin
    Écouté, réécouté plutôt, les phrases les plus célèbres du général de Gaulle. Derrière les mots, alors même qu’il était encore à la tête de l’État, quel éreintement de la classe politique : dérision des partis politiques, animateurs de « pagaïe » ; charge contre les innombrables « machins » et « trucs » dans lesquels s’incarne la volonté de pouvoir de quelques-uns ; ironie vis-à-vis des grands, glorification des petits... Aujourd’hui, qui tient encore ce langage ?
    En tout cas, rien de pareil ne se dit à l’Élysée : plutôt que de parler quarante-cinq minutes du congrès de Rennes à Anne Sinclair, l’autre jour, Mitterrand aurait mieux fait d’ironiser sur les combats picrocholins au sein du PS !
    À Le Pen seul la critique des élites dirigeantes, la charge contre les partis politiques et les hommes publics !
    Ce qui manque aujourd’hui, ce n’est pas tant quelqu’un qui « voit loin » que quelqu’un qui fustige les grands !
     
    De Mitterrand, que restera-t-il ? Un journaliste allemand que je croise à l’occasion d’une émission de télévision me raconte qu’un de ses proches a récemment demandé à Kohl : « Qu’aurait fait de Gaulle au moment de la chute du mur de Berlin ? » Helmut Kohl a hésité quelques instants, puis répondu : « Il serait venu avec moi sur le Mur et aurait prononcé un formidable discours qui aurait fait oublier le mien ! »
     
    Du social, faire du social, ne faire que cela ! dit aujourd’hui Mitterrand. Façon de contrer le Premier ministre, qui, selon lui, recherche exagérément le consensus au lieu de regrouper la gauche derrière lui.
    Débat classique : c’est Pierre Juillet qui disait à Jacques Chaban-Delmas, sous Pompidou : « Vous allez perdre vos électeurs sans arriver à débaucher l’opposition. »
    De cette irritation que l’on sent chez Mitterrand contre Rocard, qui aujourd’hui pourrait douter ? Ce qui lui déplaît le plus, chez celui-ci, c’est qu’il ait existé et continue d’exister.
    Cet homme n’aime les autres qu’à l’article de la mort.

    3 juin
    Je regarde, depuis mon bureau,

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