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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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organisé, un commando, sans doute. Mais agissant pour le compte de qui, dans quelles intentions ? Pas de réponse.

    19 mai
    L’unité nationale aura été de courte durée. Je n’ai pas d’informations spéciales sur ce qui a conduit Jacques Chirac à sortir de l’état d’unanimité dans lequel nous baignons depuis une semaine. Il a craint, me dit Toubon, que cette atmosphère ne contribue à faire de François Mitterrand le seul rempart, politique et moral, contre l’extrême droite. Du coup, il vient aujourd’hui de mettre dans le même panier Jean-Marie Le Pen et Mitterrand. Comment ça ? « Le Pen, a-t-il dit, est dangereux pour la paix civile, dangereux pour l’uniténationale, les valeurs chrétiennes et humanistes. » Puis il a ajouté une lourde charge contre François Mitterrand : c’est lui qui, assure-t-il, a tout fait pour provoquer et culpabiliser les Français. Je retrouve la dépêche pour m’assurer de l’exactitude absolue de ses propos : « Ceci, ajoute-t-il, pour permettre au Front national de s’imposer et escompter, par le même mouvement, l’affaiblissement de la droite ! »
    L’assaut est rude...
    Pour faire bon poids, Chirac soutient la même thèse devant les militants RPR du Val-de-Marne, dans la soirée : « Pourquoi l’idéologie de Jean-Marie Le Pen s’est-elle développée ? » demande-t-il. Réponse : parce que Mitterrand en dénonçant Le Pen, en culpabilisant les Français, s’est volontairement servi du Front national pour diviser l’opposition.
    Cela me rappelle les discussions au sein de la Haute Autorité, il y a presque sept ans, avec Gabriel de Broglie. Nous avions reçu un jour – je ne me rappelle pas bien quand, mais c’était dans les années 1983-1984 (avant les élections de 1986, en tout cas !) – une lettre de Le Pen renvoyée par l’Élysée : le leader du FN y demandait un droit de parole pour son parti et ses idées. Nous avions eu une délibération très tendue pour savoir si, oui ou non, il fallait accorder un temps de parole à Le Pen. J’avais répondu oui, car, à partir du moment où le FN n’était pas interdit par le pouvoir, ce n’était pas à nous, Haute Autorité, de lui refuser un temps de parole que nous comptabilisions pour les autres.
    « Mais enfin, m’avait dit, hors réunion, Gabriel de Broglie, ne voyez-vous pas que la stratégie de Mitterrand vise à diviser durablement l’opposition de manière à rester plus longtemps au pouvoir ? »
    J’avais répondu que, même si c’était le cas, ce n’était pas à nous de définir la stratégie politique de l’un ou de l’autre. Le FN était-il interdit par le pouvoir ? Non. Le Front national avait-il un groupe à l’Assemblée nationale ? Oui, depuis 1986 21 . Comment envisager de lui réserver un traitement spécial et exorbitant du droit commun ? Si le législateur voulait que les choses soient différentes, il pouvait toujours changer la loi.
    Les mêmes arguments, qui me semblent aujourd’hui devoir être pris en considération, sont maintenant ceux de Jacques Chirac.Mitterrand a-t-il fait exister le FN ? La Haute Autorité y a-t-elle aidé ? Je ne le pense pas.

    30 mai
    Rocard-Mitterrand : rien ne va plus ! Jean-Paul Huchon 22 s’est, dit-il, vu fortement reprocher par les proches du chef de l’État de s’être comporté, à Rennes, comme un chef de courant, et d’avoir dirigé la manœuvre des amis du Premier ministre. Il a confié hier à Gérard Carreyrou que, du coup, les portes de l’Élysée se ferment ou ne font plus que s’entrouvrir devant lui. Mais, au fait, de qui l’Élysée, de qui Mitterrand sont-ils proches, aujourd’hui ?
    Pas de Michel Rocard, donc. Pas davantage de Lionel Jospin, depuis le congrès de Rennes et sans doute bien avant. Pierre Bérégovoy ? Il y a comme un problème, non dit, entre Mitterrand et lui. Mauroy ? Bof...
    À vrai dire, en dehors de Fabius, Mitterrand est seul. Mais Fabius, qui dira qui il est, ce qu’il éprouve vraiment ?
    Sur le fond, on voit bien que, dans le jugement que Mitterrand porte sur Rocard, compte beaucoup le personnage politique que celui-ci est devenu au fil du temps. Quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, qu’il se déclare le simple exécuteur des ordres de Mitterrand ou davantage, Rocard a une image bien à lui : celle d’un socialiste modéré, un socialiste d’ouverture, capable, s’il le faut, d’être soutenu – et élu – par le centre. Un

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