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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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aujourd’hui, deux mois après Rennes, ne défend Fabius à l’Élysée ! » ironise-t-il.
    Même flottement sur le système électoral à propos duquel il décrit un Mitterrand à côté de ses pompes.
    Bref, curieuse impression d’un Président parfois dépassé. Impression qu’accentue d’ailleurs un lapsus commis par Mitterrand à Solutré, l’autre jour : il a parlé des difficultés à se loger à Paris pour 50 000 francs par mois 25  ! A-t-il confondu 5 000 francs et 50 000 francs ? A-t-il perdu le sens de l’argent et retrouvé un chiffre qui avait cours lorsqu’il avait 40 ans ?
    Mauroy aborde maintenant le « tournant social » demandé par Mitterrand à Michel Rocard. Il parle de ce dernier avec un curieux mélange de spontanéité et de distance : il est clair, dit-il, que Rocard pense à son avenir, que son avenir passe par l’attraction qu’il exerce sur une fraction des électeurs de droite, des centristes à coup sûr, et qu’il laissera donc au patronat du temps, beaucoup de temps avant de « virer au social ».
    « Trois ans, tout de même 26 , c’est beaucoup. Je ne vois pas comment il pourrait tenir tout ce temps-là, suppute Mauroy. Il faudra que je lui pose la question. »
    Pour le reste, il pense que le PS va plutôt mieux, que les remous se sont atténués. Au moins jusqu’au prochain congrès...

    27 juin
    Traditionnelle garden-party chez Michel Rocard à Matignon. Lui est en pleine forme tandis que le gouvernement se traîne. Morosité, morosité, quand tu nous tiens !
    Comme d’habitude lucide et d’une extraordinaire franchise que ne bride pas, en privé du moins, son appartenance au Conseil constitutionnel 27 , Maurice Faure dit à Tony Dreyfus 28  : « Ce dont Rocard a besoin maintenant, ce serait d’un grand remaniement qui lui redonne du souffle, et pour longtemps. Un petit remaniement de rien du tout ne lui vaudrait aucune stabilité. Un grand remaniement réglerait son problème jusqu’aux législatives ! »
    « Facile à dire ! me dit Dreyfus en rigolant dès que Faure a tourné le dos. Moi, dans un grand remaniement, je suis le premier à sauter. Tu parles, un ministre sans portefeuille ! »
    Avant de rejoindre, dans le parc de Matignon, d’autres interlocuteurs, Maurice Faure a eu le temps d’énumérer les ministres qui n’ont pas de vrai département ministériel et ne sont là que pour la galerie : parmi eux Thierry de Beaucé, Alain Decaux, Jacques Mellick...
    Auparavant encore, avant que Tony Dreyfus ne nous rejoigne, il m’avait dit que François Mitterrand, depuis le livre que Franz-Olivier Giesbert lui a consacré 29 , lui faisait moins de confidences : « Remarquez : je l’ai accompagné dans l’océan Indien et je me suis aperçuque pas grand monde ne lui parlait : il est en réalité très isolé, tout le monde a peur de lui... »
    Françoise Giroud, elle, l’a rencontré il y a quelques jours et l’a trouvé particulièrement agressif avec la presse : « Ils sont toujours à mes basques, a-t-il fulminé, mais, sur le fond, ils ne veulent pas m’entendre, ils ne m’entendent pas ! »
    Elle le trouve sur une pente grise, presque noire : « Tout peut arriver, me dit-elle, je crains le pire ! »
    Tout le monde, dans cette garden-party, sait maintenant que Mitterrand déteste Rocard, qu’il le garde uniquement parce qu’il ne peut pas faire autrement. « Il me semble, dit encore Françoise, que cela ne lui réussit pas mal, au petit Rocard, cette relation conflictuelle avec Mitterrand : ça le dope, ça l’émoustille ! »
    C’est peut-être vrai. Peut-être bien que Rocard viendra à bout de la montagne Mitterrand. Tout de même, quel gâchis !
     
    Vu Raymond Barre la semaine dernière, le 22. Il m’a semblé plutôt plus aimable avec Mitterrand qu’avec les autres.
    Que les Français n’investissent pas en Europe centrale, à son sens ce n’est pas un problème : « Qu’on laisse les Allemands investir ! me dit-il. Pour le moment, personne n’y gagne rien ! Inutile de se lancer dans des investissements non rentables ! »
    Autrement dit : laissons, comme dirait le Marius de Pagnol (ou bien est-ce César ?), « mesurer les autres », et attendons que ces pays soient devenus civilisés avant de mettre notre argent là-bas !
    Mitterrand, selon lui, est voué désormais à l’immobilisme. Il a finalement fait campagne sur ce thème, en 1988. Il a été élu pour cela : pour ne

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