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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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suite à demain. Il est trop tard pour ce soir.

    26 août
    Je reprends le récit là où je l’ai arrêté.
    Ce que personne ne sait, sauf Étienne Mougeotte, Carreyrou et Patrick, à qui je l’ai dit, c’est que j’ai eu avec l’ambassadeur d’Irak en France, le matin du 22 août, une conversation téléphonique difficile, dont je me disais au surplus qu’elle était écoutée par les renseignements militaires français.
    « Voyons, m’a-t-il dit, vous n’imaginez pas que tout cela ait pu se passer sans que les services secrets irakiens aient été au courant ? Sans que les autorités aient laissé faire ? Poivre d’Arvor n’a pas libéré unenfant, c’est nous qui l’avons laissé partir. Si vraiment vous tenez à ce que cela se sache ! »
    Je n’ai jamais su si l’ambassadeur me servait un boniment bien ficelé pour éviter de passer, lui et ses services secrets, pour des imbéciles !
    Il a ajouté in fine que si personne ne voulait d’ennuis, surtout pas le père de l’enfant, resté en Irak, mieux vaudrait ne pas claironner que Patrick l’avait fait échapper au nez et à la barbe des militaires de l’aéroport de Bagdad.
    D’où les consignes de discrétion que nous avons tous décidé d’observer.
    Donc, lors du point de presse que nous tenons sur le retour de Patrick Poivre d’Arvor, pas un mot de cette histoire de gamin enlevé aux autorités irakiennes.
    À la fin, toutefois, n’y tenant plus, Poivre d’Arvor laisse entendre à tous nos confrères, qui ne sont venus que pour entendre parler d’Irak, qu’il a sous le coude une « histoire merveilleuse » dont il ne veut pas parler.
    Cette « histoire merveilleuse » risque bien, pour le coup, de compromettre nos relations avec tout le monde : avec l’Élysée et Matignon, qui ne souhaitent pas que nous tendions le micro aux Irakiens, et surtout pas à Saddam Hussein ; et surtout avec les Irakiens dont je crains qu’ils ne nous laissent plus jamais faire notre métier, c’est-à-dire qu’ils empêchent nos envoyés spéciaux de pénétrer à nouveau à Bagdad.
    En tout cas, après ce point de presse de Patrick, j’ai rappelé l’ambassadeur d’Irak pour lui dire que la conférence de presse s’était bien passée, que nous n’avions pas parlé du gamin, et que personne, à la direction de TF1, n’avait voulu ridiculiser les Irakiens. J’insiste : donc, dis-je, pas de raison pour que nos équipes ne retournent pas à Bagdad.
    L’ambassadeur, sur ce point, reste évasif.
    Après m’être assurée que, malgré tout, il n’y aurait pas de veto définitif de Bagdad aux équipes de TF1, il nous reste à affronter le gouvernement français.
    Rocard nous a donc priés de passer le voir, PPDA, Carreyrou et moi, pour nous passer un savon.
    La veille, à la surprise générale, il avait invité dans un communiqué officiel « les journalistes, particulièrement dans l’audiovisuel, à s’interroger sur leur rôle » dans la couverture des événements du Golfe.Apparemment, c’est nous qu’il visait, et sans doute aussi la Cinq qui avait organisé quelques jours auparavant un duel entre la mère d’un ressortissant français retenu en Irak et, je crois, l’ambassadeur de Saddam à Paris 33 .
    Lorsque les huissiers nous ont fait entrer, Rocard était près de la fenêtre donnant sur le jardin de Matignon, arborant un visage fermé que je ne lui connaissais pas. Il a pris la parole avec vigueur pour affirmer sa position et contester la nôtre. J’étais littéralement sidérée. Je ne m’attendais pas à voir Rocard dans ce rôle de père fouettard qui m’aurait fait rigoler en d’autres circonstances. Aujourd’hui, aucun de nous ne rit, car nous avons l’impression d’être dans un mauvais film des années 1950. Il doit le sentir lui-même, car il ne nous interdit rien, et notamment pas d’envoyer des journalistes en Irak. Il fulmine, simplement, contre notre attitude irresponsable et peu compréhensive.
    L’entretien dure trois quarts d’heure, sur un ton que je trouve à la limite du grotesque. « Un dialogue de sourds » : c’est ce que nous nous disons entre nous en le quittant. Tous trois, nous sommes sous le choc : face au torrent de paroles du Premier ministre, nous avons fait front avec plus de surprise que de conviction. Au nom de quoi devrions-nous dès aujourd’hui nous abstenir de donner la parole à Saddam et à ceux qui le représentent ? Pour ne pas risquer d’être

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