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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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manipulés ? Parce que plus personne en France ne doit désormais écouter la parole de Saddam Hussein, devenu l’ennemi n o  1 du monde entier ? Le gouvernement nous croit-il, et les Français avec nous, assez naïfs pour croire les yeux fermés à ce que nous dirait le raïs irakien ? Le seul point de vue à proposer aux Français est-il celui de George Bush ?
    « Il nous aurait demandé de ne pas envoyer de journalistes au Moyen-Orient, tempère Carreyrou, qu’on lui aurait dit non. Après tout, il ne nous l’a pas demandé ! »
    Je hasarde néanmoins une interprétation politique de l’intervention tendue du Premier ministre : il a été exclu par Mitterrand de la décision. Peut-être se rattrape-t-il aujourd’hui et en fait-il trop pour marquer sa présence ? Du coup, il accepte de faire ce que Mitterrand ne ferait pas : dissuader la presse de faire son boulot.
    Voilà pourquoi PPDA a eu notre « feu vert » pour partir en Irak. Il n’en avait nul besoin : il serait parti de toutes les façons. Maintenant, au moins, nous sommes d’accord !

    27 août
    J’ai eu pour la première fois une impression de gêne atroce en regardant les images émanant de Saddam Hussein, diffusées aujourd’hui sur les télévisions du monde entier : on l’y voit, tout sourire, rendre visite, dans l’endroit où ils sont confinés, aux otages britanniques retenus à Bagdad. Il dit bonjour, parle avec eux, puis attire à lui un petit garçon anglais, lui demande paternellement s’il a bien eu du lait, ce matin. Le cameraman irakien filme bien sûr sans rater une seule seconde de la scène. Ce qui est terrible, c’est l’air épouvanté du gosse, qui, paralysé de trouille, ne dit mot, ne bouge pas tandis que Saddam Hussein continue de sourire largement.
    Voilà qui prouve bien que les images ne manipulent pas forcément ceux qui les regardent. La volonté de Saddam Hussein était à coup sûr celle-là : montrer qu’il était gentil, que ce n’était pas le chef d’État inhumain décrit par la presse occidentale. C’est tout le contraire qui est apparu aux téléspectateurs du monde entier : l’Ogre et le Petit Poucet.

    29 août
    Ça y est : Poivre d’Arvor a eu son interview avec Saddam Hussein. Nous l’avons diffusée ce soir. Très intéressante, parce que c’est la première fois que celui-ci s’exprime vraiment. Patrick lui pose toutes les questions qu’on a envie et qu’on doit lui poser. Avec un réel courage : après tout, il aurait très bien pu déraper et se retrouver lui-même en tôle !
    La position de Saddam est offensive, il n’apparaît pas du tout comme craignant la guerre ou ayant peur d’une opération militaire. S’il défie aujourd’hui le monde entier, il dénonce surtout l’attitude de la France, qui, dit-il, a « toujours été son amie. » Il fait mine de ne pas comprendre comment elle a pu rejoindre le camp de ses ennemis. Au fond, il affirme lui en vouloir pour cette raison, davantage qu’aux États-Unis et à l’Angleterre. Sur son prétendu désir de dominer le Moyen-Orient, il réplique en mettant directement en causeParis : « Lorsque M. Mitterrand propose des projets pour l’Europe, vise-t-il par là la domination de l’Europe ? »
    Il rappelle que c’est le Koweït qui a déclenché les hostilités en refusant l’augmentation du cours du pétrole qu’il lui demandait. Pourquoi en avait-il besoin ? Parce qu’il avait acheté aux Occidentaux des armes pour lutter, à leur demande, contre l’Iran. Il conteste l’embargo décrété contre lui, demandant pourquoi personne n’a fait de même lorsqu’Israël a refusé d’appliquer toutes les résolutions des Nations unies depuis 1967. Il affirme que tout le peuple irakien est uni derrière lui pour se défendre contre l’injustice de la position occidentale ; il dit qu’il ne veut pas la guerre, mais que, s’il est attaqué, il se défendra.
    L’agression contre le Koweït, a plaidé Patrick, a choqué les Français, car, après tout, Hitler n’a-t-il pas commencé comme cela, en annexant l’Autriche et la Tchécoslovaquie ? En entendant évoquer Hitler, Saddam marque tout de même un temps d’arrêt. Puis, sans s’émouvoir, il enchaîne en disant que l’opération visant le Koweït n’était le début de rien, puisque, il le répète, le Koweït avait en réalité voulu fomenter un complot contre l’Irak, et que celui-ci n’avait fait que riposter.
    Évidemment, pendant

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