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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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jardin comme les autres responsables de chaînes, je n’entends que des bribes de ce que dit Mitterrand.
    Assez, cependant, pour comprendre qu’il ne procédera pas tout de suite à un remaniement – alors que la rumeur d’un départ imminent de Michel Rocard court dans les rédactions depuis plusieurs jours. Olivier Stirn, seul, sera sans doute remplacé après l’épisode de la semaine dernière.
    Est-ce partie remise ? Le Président en convient : « Dans quelque temps, on verra s’il faut redistribuer les choses. »
    Redistribuer les richesses, aussi : car, fait surprenant, alors qu’il est président depuis maintenant neuf ans, François Mitterrand trouve que « le partage n’est pas assez juste ».
    Avertissement sans frais au Premier ministre : « Il convient d’y travailler », dit-il fermement, comme si Michel Rocard ne faisait pas d’efforts suffisants et qu’il fallait le rendre responsable du déficit social de l’actuelle majorité !
    Mitterrand traite au fond Rocard comme s’il s’agissait d’un Premier ministre de cohabitation qui lui aurait été imposé par une majorité qui n’est pas la sienne. Quand Jacques Chirac était à Matignon, il refusait de signer les ordonnances ou désapprouvait certaines mesures. Aujourd’hui, il enjoint à Rocard – comme si lui, Mitterrand, était étranger à la politique suivie – d’aller plus vite dans la réduction des inégalités !
    Je résume à grands traits la fin de l’interview. Grande nouvelle : le service militaire sera ramené de douze à dix mois. Ouverture : les écologistes font du bon travail. Grand dessein : l’Europe. Quant à la Russie soviétique, il faut aider Gorbatchev pendant qu’il en est encore temps. Est-il encore temps ?

    9 août
    Je suis en vacances lorsque, en plein été, un bruit de bottes retentit. Le 2, le Koweït a été envahi par les troupes irakiennes. Il s’agit d’un acte d’agression caractérisé à l’égard de ce petit pays voisin de l’Irak. Je ne vais pas entrer dans l’analyse des causes qui ont amené Saddam Hussein (« mon ami Saddam », disait il y a encore quelques années Jacques Chirac) à commettre cet acte de guerre : de la guerre Irak/ Iran au prix du baril de pétrole, la presse est aujourd’hui pleine d’informations, de commentaires, de chiffres et de considérations sur le leader irakien.
    Nous voici, près de Vaison-la-Romaine où notre habituelle petite troupe d’amis prend ses vacances, plongés dans des atlas, à relire tous les textes qui, depuis quelques mois, laissaient présager un affrontement entre l’Irak et les pays occidentaux.
    De mes multiples conversations sur le sujet avec Paul-Marie de La Gorce, je retiens trois choses.
    La première est que les pays dits occidentaux ont été très contents quand Saddam Hussein a envoyé ses troupes contenir l’expansion iranienne. Les Français, les Britanniques, les Américains ont armé ce régime auquel ils avaient confié la bonne garde de leurs intérêts au Moyen-Orient.
    La deuxième est que l’Irak est le seul pays laïc du Golfe, ce qui me paraissait un gage d’évolution. Je sais que la démocratie n’y règne pas, qu’on y tue pour des raisons politiques, mais il me semble qu’en Iran et en Arabie saoudite aussi.
    La troisième est que, pour se faire entendre, mieux eût valu que Saddam Hussein prenne une autre initiative que celle d’envahir un autre pays, de défier les résolutions de l’ONU et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
    Désigner l’Irak comme seul responsable de la crise me paraît aller un peu trop vite en besogne. De toute façon, le gouvernement, le Président, je l’espère, ne comptent pas instaurer la censure comme avant la guerre de 14-18 ou celle de 39-40 ?
    À noter, pour la petite chronique politique, que Rocard était en vacances, début août. Mitterrand ne l’a pas rappelé à Paris pour l’occasion, pas mécontent de montrer que le président de la République est le patron de la politique extérieure de la France, son domaine réservé.
    La dernière chose que je retiens, c’est que moi, je dois rentrer au plus vite. Ce que je fais.

    10 août
    Le patron, Mitterrand l’est à coup sûr : il a donné aujourd’hui sa première conférence de presse. Il a annoncé l’engagement des troupes françaises aux côtés des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Il faut dire, pour situer les choses, que de très nombreux ressortissants

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