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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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démission, tandis qu’Édouard Balladur se préparait, tout en faisant semblant de penser à autre chose : il a déjeuné au Plaza Athénée, à la table qui lui est habituellement réservée, à droite de la porte d’entrée ; il a rencontré Simone Veil et Alain Juppé, a visité l’exposition Aménophis III au Grand Palais.
    En réalité, jamais il n’aura été aussi heureux que dans l’avion, mardi dernier : il avait, à ce moment, toutes les raisons de se réjouir d’être Premier ministre, et aucune encore de le déplorer. Depuis des semaines déjà, Balladur, dans sa tête, s’est installé à Matignon. Il l’est officiellement en fin d’après-midi – en début de soirée, plutôt, aujourd’hui.
    Je me demande ce soir ce que signifie le fait que François Mitterrand ait annoncé la nomination du nouveau Premier ministre à la télévision sans avoir consulté personne, sans même apparemment avoir consulté ce dernier, puisqu’on ne l’a pas vu à l’Élysée. C’est une première sous la V e  République. Je sais bien que le téléphone existe, qu’Édouard Balladur et François Mitterrand n’ont pas besoin du rituel ballet télévisé – voitures dont les pneus crissent sur les graviers du palais présidentiel, montée des marches du perron, arrivée dans le bureau au premier étage, descente des marches du perron sous les flashes des photographes et des cameramen – pour tomber d’accord.
    Et puis, il y a eu sûrement des émissaires de part et d’autre. Ce soir, je ne sais pas qui a servi d’intermédiaire, mais il y en a eu forcément un 15 .
    C’était Hubert Védrine, comme cela sera connu quelques jours plus tard.
    En écoutant Mitterrand à la télévision, ce soir, s’exprimer gravement, de façon rapide (moins de quatre minutes), costume et cravate sombres, j’ai pensé qu’il n’était pas fâché de montrer que, pour nommer Balladur, il n’avait eu besoin d’aucune consultation avec quelque parti ni quelque leader que ce soit. Quelques phrases lui ont suffipour prendre acte de la volonté de changer de majorité exprimée par les Français dimanche, pour remercier Bérégovoy, je note, pour « son grand mérite personnel 16  », pour assurer qu’il se conformerait aux devoirs et aux attributions que la Constitution lui confère, et pour nommer enfin Balladur, quatorzième Premier ministre de la V e  République, à Matignon 17 .
    Quelle affaire : deux fois en deux septennats, Mitterrand a dû installer, et vivre, une cohabitation !
    Cette fois, il me paraît bizarrement moins atteint qu’en 1986. Son visage est à peine marqué par l’émotion, sauf lorsque, dans une phrase, en fin d’allocution, il parle du jugement de l’Histoire sur l’œuvre accomplie par la gauche. Je pense que la grande différence est qu’en 1986 il croyait encore au Parti socialiste, qu’il avait créé. Là, en 1993, il a senti que le PS évoluait sans lui, il a même pensé qu’il lui était parfois hostile. Aujourd’hui, il distingue sans doute ses amis, ceux qu’il a en estime, comme Pierre Bérégovoy ou Laurent Fabius, et ceux dont il n’a rien à faire et dont l’avenir le laisse indifférent, comme Jospin ou Rocard.
    Il faut attendre une bonne heure avant d’entendre s’exprimer Édouard Balladur : celui-ci est arrivé à l’Élysée après 20 heures, après sa nomination officielle, il s’est entretenu avec Mitterrand et il fait une première déclaration, encore plus courte que celle du Président, sur le perron de l’Élysée.
    Il a accepté l’honneur qui lui est fait, dit-il, dans une période difficile – façon de signifier qu’il aurait pu refuser. Il annonce que son équipe ministérielle sera restreinte afin qu’il y règne cohérence, efficacité et solidarité.
    Je ne connais pas le jeune homme, Nicolas Bazire, qui est à ses côtés sur le perron et qui sera sans doute nommé directeur de son cabinet. Je ne l’ai jamais rencontré lors d’un de nos « goûters » avec Balladur. Je le trouve un peu raide, bien jeune pour occuper ce poste.
    Avec sa présence, inhabituelle dans des circonstances analogues, Balladur entend signifier d’emblée que son plus proche collaborateur ne sort pas tout armé de la rue de Lille ou de la Mairie de Paris. Il n’est pas connu pour être un chiraquien, ni même un RPR de choc. Il est nouveau dans la galaxie politique. Il faudra en savoir davantage sur lui.
    30 mars
    Les choses n’ont pas

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