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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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aux communistes qui le veulent, aux Verts, d’organiser des rencontres thématiques ouvertes à la gauche sur l’Europe, l’emploi, la démocratie. »
    Parlant de Mitterrand, il n’y va pas par quatre chemins : « Il faut que la page Mitterrand soit tournée. Car lorsqu’il dit que Balladur est le meilleur, comme il le fait en ce moment, il contribue à dérouter les militants. »
    Je lui demande ce que sera le choix de Mitterrand pour la prochaine présidentielle. Il réfléchit deux secondes seulement : « Si Chirac est candidat, il se prononcera pour Rocard. Si Édouard Balladur est candidat, je n’en sais rien. Il faudra tout de même bien qu’il dise quelque chose ! »
    Mitterrand soutenant publiquement Balladur : apparemment, pour les rocardiens, c’est une hypothèse qu’on ne saurait écarter. Énorme !
    À propos d’élections, Rocard sera-t-il tête de liste socialiste aux prochaines européennes de 1994 ? Il y a beaucoup de raisons pour qu’il le soit, et notamment celle-ci, selon Huchon : les européennes constituent une répétition de ce que sera, un an plus tard, la présidentielle.
    14 octobre
    Après Huchon, me voici avec Lionel Jospin. Il ne cherche pas à me dorer la pilule, ce n’est d’ailleurs pas dans sa nature. Il convient que le PS reste dans une situation difficile. Je le trouve même assez pessimiste : « Ce n’est pas Michel Rocard qui est en panne, ajoute-t-il, c’est le PS qui a eu un accident. Les États généraux ont certes été une réussite, mais c’est parce que nous étions au fond de la piscine : ç’a été notre coup de talon pour remonter. Le PS est revenu à la surface, c’est tout. Nous ne pouvons pas changer d’un coup de baguette magique la situation dans laquelle nous sommes. Il va falloir se battre, être présent. Pour le moment, personne ne se tourne vers nous pour nous proposer le pouvoir. »
    Et les élections européennes ? « Je ne demande rien, dit-il tout de suite comme pour empêcher une question que je n’ai pas encore posée. Si Rocard est tête de liste, le problème sera réglé. S’il ne l’est pas, il y a trois ou quatre personnes qui peuvent y prétendre. »
    Il figure, je pense, parmi ces trois ou quatre personnes-là, mais je ne lui tire pas un mot à ce sujet. En revanche, il me dit qu’il s’engagera dans cette bataille, à condition que le discours socialiste soit cohérent. Il compte sur le congrès pour ouvrir officiellement une réflexion collective à ce sujet.
    « Le congrès, conclut-il, doit être le congrès de l’opposition à Balladur, un congrès qui pose les vrais problèmes et ouvre des perspectives sur la politique économique et sociale, l’Europe d’après Maastricht, et le fonctionnement du pays. »
    Il parle, sans que je l’y pousse vraiment, du socialisme. Jospin est un homme de convictions. Rien à voir avec Mitterrand ni même avec Rocard. Il pense au socialisme avant de penser au pouvoir. « Ce n’est pas parce que le communisme s’effondre, me dit-il, que l’idée d’un changement graduel de la société par rapport au capitalisme s’effondre également. Le problème du capitalisme demeure. Il est en crise, en récession. Les socialistes ne sont désormais plus coincés entre la défense d’un système communiste et la soumission au capitalisme : nous allons pouvoir nous battre, enfin, pour nos idées ! »
    Quelle foi ! Les années de pouvoir ne l’ont pas atteint, celui-là. Il est déterminé, ardent presque. Je ne l’ai jamais vu comme cela. Je me sens sceptique, usée, devant lui. En même temps, je me dis que les hommes comme lui réhabilitent la politique, parce qu’ils croient encore qu’elle peut changer le monde.
    Notre conversation a duré très longtemps, plus longtemps que ces lignes de résumé ne le laisseront penser. D’autant qu’il s’est lancé, après sa recherche d’une définition du socialisme, sur une vibrante attaque de Balladur, désormais ennemi numéro 1 de la gauche. « Balladur, un centriste ? Non. Il est aujourd’hui sur une tonalité mesurée. Vous verrez, cela ne durera pas. Il se dit régulateur du capitalisme, sauveur du service public, attentif au monde du salariat : on s’apercevra qu’en réalité, c’est un libéral, qui remet en cause le service public, et qu’il reviendra sur les acquis sociaux. »
    Conclusion : « Pour le moment, les Français ne veulent pas se déjuger par rapport à leur vote de mars

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