Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
vie privée, furieux d’avoir été mis sur la touche.
Tout de même, un suicide à l’Élysée ! Il paraît, détail sordide, que le coup de pistolet qu’il s’est tiré a projeté du sang et de la cervelle sur tous les murs. Il n’a pu choisir de se tuer dans ce lieu que pour désigner Mitterrand et les siens comme principaux responsables de sa mort. Comme un homme se suicide dans l’appartement, dans la chambre même de celle qui l’a abandonné. Que de morts, tout de même : Pelat, Bérégovoy, maintenant Grossouvre...
12 avril
Roger Stéphane, mon ami, s’est donné la mort à son domicile, dans la nuit de samedi à dimanche, après avoir bu une bouteille de champagne et confié son chien à Daniel Rondeau. Il était malade,encore que l’on n’ait jamais su de quelle gravité était son mal ; il n’avait plus d’argent, ou du moins pas assez pour continuer à recevoir là où il voulait, quand il le voulait, les gens qu’il voulait.
Il n’y a rien à dire sur cette mort, pas plus que sur d’autres. Sauf que celui-ci vivra, comme ceux-là vivent aussi en moi. Tant que quelqu’un sur cette terre se souviendra d’eux, ils ne seront pas tout à fait morts.
15 avril
Je reviens sur la semaine écoulée qui a été l’une des plus agitées qu’ait eu à traverser le gouvernement Balladur. Le couac médiatique autour de l’affaire de Canal + et de l’éviction de Rousselet, la rentrée parlementaire compliquée par la menace d’une scission de l’UDF, le 8 avril, la morosité qui s’est abattue sur les députés, simplement parce que c’en est fini, et bien fini, de l’état de grâce de Balladur, l’action revendicatrice permanente des jeunes, même si le CIP a été mis entre parenthèses, tout cela, d’un coup, a changé l’atmosphère.
Plus qu’elle ne s’inquiète de la résurgence de la gauche, qui d’ailleurs ne profite pas à Michel Rocard 26 , la majorité doute à nouveau d’elle-même. Comme si l’ombre protectrice du Premier ministre ne suffisait plus à assurer sa tranquillité.
La raison en est évidente : Chirac et Balladur ne sont pas encore, il est vrai, entrés en conflit ouvert, leur bataille n’a pas commencé, et peut-être ne commencera-t-elle jamais. Le duel pourtant cristallise la vie politique du côté de la majorité. La candidature commune de Baudis aux européennes ne modifie pas la donne, car d’autres fissures apparaissent : qu’y a-t-il de commun, par exemple, entre Séguin et Pasqua d’un côté, et les libéraux de l’UDF, Alain Madelin et Gérard Longuet, de l’autre ? Ou bien entre les ministres giscardiens comme Hervé de Charette, qui ne veulent pas que Balladur vole la préséance à Giscard auprès d’une partie des troupes de l’UDF, et les pro-balladuriens grand teint ?
Chef de la majorité parlementaire, le Premier ministre devait être le ciment de toutes ces composantes animées d’une force centrifuge.Édouard Balladur peut-il l’être encore, alors qu’il s’est placé dans une compétition aiguë avec Jacques Chirac ? En affichant son ambition présidentielle, il est le premier responsable de la dégradation du climat interne à la majorité. « Mais que pouvait-il faire ? disent ses amis, dont évidemment Nicolas Bazire. Ce qui a été, dès mars 1993, un bouleversement dans l’ordre des choses, entre Balladur et Chirac, c’est la popularité inattendue, inouïe, du Premier ministre et son installation de façon durable au sommet des sondages. »
Peut-être bien. Mais les résultats des sondages, puisqu’après tout ils revêtent tant d’importance dans les calculs des uns et des autres, commencent justement à décliner. Au fond, je me dis que le CIP, ou plus exactement sa gestion maladroite, marque un tournant dans l’existence du gouvernement Balladur. Un peu comme l’avaient été, à l’hiver 1986-1987, les manifs et les grandes grèves qui avaient affecté l’action de Jacques Chirac alors à Matignon.
17 avril
La gauche reprend espoir. Bonnes performances du PS au second tour des cantonales, bonne tenue du PC, proposition d’un pacte unitaire de ce brave Robert Hue : tout cela redonne du moral aux troupes de Rocard. « On s’achemine vers un rapport de force 52/48 au moment où démarrera la campagne, m’a confié Gilles Martinet qui le tenait de sondeurs. Tout peut alors se jouer au moment du scrutin présidentiel. »
Ce à quoi Jean Glavany 27 ajoute : « Depuis quelques
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