Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
soit absent au moment précis où le maire de Paris lance sa campagne. Dans son discours, Jacques Chirac a beau essayer de leur remonter le moral en distinguant les « vrais amis » des courtisans « qui dépendent du vent et de la mode », l’atmosphère demeure sinon morose, du moins incertaine.
    Pendant le déjeuner qui a réuni militants et journalistes, il a été à peine question du discours de Chirac. C’est la défection de Séguin qui a alimenté toutes les conversations. Certains l’accusent de trahison, tandis que du côté des chiraquiens, la consigne a été passée de minimiser l’événement.
    On a l’impression, sur place, d’assister non pas au départ d’une campagne, mais à son enterrement. Le 12, la presse parle d’ailleurs de « week-end meurtrier ».
     
    Le congrès extraordinaire du RPR a eu lieu dans la foulée. Philippe Séguin n’y assiste pas davantage. Jacques Chirac prononce pourtant un discours auquel il ne trouverait pas un mot à ajouter ni à retrancher : dix feuillets nourris sur les trois défis à relever par la France et par le candidat qui se présente aux suffrages des Français : la lutte contre le chômage et l’exclusion, la restauration de l’État républicain, la rénovation de l’Europe. Il donne une tonalité très sociale à ses propos, et l’expression « changer de cap » revient à plusieurs reprises comme une critique subliminale de la politique balladurienne. Enfin, il connaît parfaitement son auditoire et se présente devant lui simplement 55 , « au nom des dix-huit ans de combats menés en commun ». Y a pas à dire : il sait leur parler, Chirac, à ses compagnons, avec les références qu’il faut, les phrases chères à leur oreille. C’est parce qu’il connaît bien leurs sentiments qu’il leur fait approuver de facto sa candidature tout en disant que « l’investiture d’un candidat par un parti politique est contraire à l’esprit de nos institutions ». Car il a trouvé la parade : il lui suffit de démissionner de son poste de président du RPR. Redevenu un homme indépendant des partis, il peut solliciter l’accord des militants sans qu’il s’agisse pour eux de le désigner. S’il était présent, Séguin n’aurait rien eu à dire !
    En l’absence de Balladur, de Pasqua et de Séguin, Chirac fait voter et obtient 98,5 % des voix !
     
    Jacques Toubon me parle de Séguin qu’il soupçonne en réalité de ne pas vouloir choisir entre Chirac et Balladur : « Le grand écart, me dit-il, quand on est lourd et gros comme lui, c’est difficile ! »
    Au déjeuner qui suit, Jean-Jacques de Peretti me donne au contraire du geste de Séguin une explication que je crois fondée : Chirac avait bien prévenu Séguin de la rencontre de Reuilly, mais sans lui dire qu’il comptait réclamer un vote. Donc, à la demi-vérité de Chirac a répondu la défection de Séguin.
    15 novembre
    Je note ici brièvement qu’en marge du congrès RPR, Paul Guilbert me dit qu’il a vu Delors. L’attitude de Mitterrand pousse celui-ci à se porter candidat. Mitterrand passe en effet son temps à dire aux socialistes qu’il reçoit que Jacques Delors n’aura pas le courage d’aller à la bataille. Delors a donc envie de faire la démonstration du contraire.
    Selon Guilbert, Delors se fixe trois critères pour sa prise de décision. Le premier est son mal de dos persistant. « Donc, premier critère négatif », lui a dit Delors en plaisantant à demi. Deuxième critère : les conditions de la campagne. Il est resté flou sur ce que cela voulait dire. Troisième critère : la majorité de gouvernement. En existe-t-il seulement une à gauche ? Il se décidera dès qu’il aura répondu à ces trois questions.
    En revanche, le jour où Guilbert me parle de la candidature de Delors, qu’il croit maintenant assurée, Alexandre Adler appelle Denis Jeambar – c’est celui-ci qui m’en fait part le lendemain. Il était àVienne où il a accompagné Delors, et a déclaré à Jeambar : « Delors n’est pas candidat. Aujourd’hui, j’en suis sûr. »
    Il va partir à la bataille, dit l’un ; il ne prendra pas le départ, dit l’autre.
    Décidément, aucun virtuose de la communication politique n’aurait pu inventer un tel suspense : battus les Séguéla, enfoncés les Goudard et autres Thierry Saussez ! Du grand art : Jacques Delors est un Hitchcock politique. Au départ, au printemps dernier, un non de

Weitere Kostenlose Bücher