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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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jeune sociologue, Emmanuel Todd (à moins que celui-ci n’ait été présent, ce que je vais chercher à découvrir), pour la Fondation Saint-Simon. Une note qui situerait Chirac largement plus à gauche que Balladur. Une aubaine pour Chirac, qui, ayant été deux fois battu, en 1981 et 1988, pour avoir été jugé trop à droite, sent aujourd’hui que sa seule stratégie payante serait de contourner Balladur par la gauche...
    11 décembre
    J’ai beau en avoir vu, des choses, depuis que je suis l’actualité politique et que je regarde agir les politiques. Mais cela, jamais encore je ne l’avais vu. J’écris quelques instants à peine après que Jacques Delors a annoncé à la France entière qu’il ne serait pas le candidat de la gauche en 1995. Je suis encore sous le coup. Bien sûr, depuis longtemps, tout le monde savait qu’il hésitait : oui ou non, y va, y va pas – depuis la fin du mois d’août, je serais bien incapable de faire le recensement des articles écrits sur le sujet. Tout le monde, leshommes politiques aussi bien, a certes le droit d’hésiter. Mais qu’il mette ainsi en scène son refus, qu’il fasse monter le suspense, depuis le début du « 7 sur 7 », en véritable pro de la télé, pour, presque au terme de l’émission, dire finalement que les choses sont trop compliquées, que la France n’est pas l’Allemagne, qu’il n’aurait pas la majorité nécessaire pour mettre en œuvre sa politique, qu’il préfère donc renoncer à sa candidature, je ne croyais pas cela possible !
    Accepter l’émission-phare de la première chaîne de télévision, maintenir le secret sur ses intentions, accepter, avant même d’avoir fait connaître sa volonté, le ralliement des uns, la sympathie des autres, créer chez ses compétiteurs de la majorité autant de craintes, tout cela pour dire non, c’est monumental ! Comment dire ? Ce qui me stupéfie encore plus, dans tout cela, c’est la mise en scène...
    13 décembre
    Il y a des gens à qui l’on pardonne tout, et puis ceux à qui l’on ne fait grâce de rien. Jacques Delors est des premiers. Je me rappelle ce qu’en disait en 1982 Simon Nora qui avait appartenu, comme lui et en même temps que lui, au cabinet de Jacques Chaban-Delmas : « Chaque fois que Jacques Delors annonce une nouvelle dévaluation, le Tout-Paris financier s’écrie : “Pauvre Delors !” » Connaissez-vous, demandait encore Nora, un autre ministre des Finances, socialiste de surcroît, à qui notre petit monde si cruel manifeste une aussi grande tendresse ?
    C’est qu’il est toujours quelque part entre remords et contrition. Il a toujours l’art – et l’air – de souffrir : des hommes tels qu’ils sont, ou tels qu’ils devraient être. De la vie qui, souvent, n’a pas été aussi tendre avec lui. Des combats sociaux qu’il n’a pas tous gagnés. Même les combats électoraux devant lesquels il a reculé par le passé sont tous portés à son crédit. Dimanche soir, la magie a encore joué. « Pauvre Delors, pauvre Delors ! » a-t-on murmuré dans les chaumières lorsqu’il a sorti son petit papier devant les caméras pour dire « non ». Comme si nous pensions qu’un homme qui a résisté à une telle pression conjuguée de l’opinion publique, de ses amis politiques, des appareils et de la presse, ne pouvait le faire que par noblesse ou désintéressement. Par vertu plutôt que par faiblesse.
    Cela ne résiste pourtant pas à l’analyse. D’abord parce que Jacques Delors n’a pas été innocent dans la récente fabrication de son propremythe : depuis le retrait de Michel Rocard en juin dernier, tout ce qu’il a dit, tous ses textes, toutes ses interventions ont été préparés, relus, pesés pour être interprétés comme un pas de plus vers la candidature. S’il est vrai qu’il a eu la force de caractère de résister à la pression, il faut convenir qu’il a été tout à fait maître dans l’art du suspense.
    Et puis, je me dis que les arguments qu’il a exposés à Anne Sinclair l’autre dimanche ne sont ni nouveaux ni convaincants. Élu, a-t-il dit, il n’aurait pas la majorité nécessaire pour faire passer les réformes auxquelles il tient. C’est méconnaître une des constantes de la V e  République : le Président nouvellement élu entraîne justement une nouvelle majorité.
    Ce qu’a dit Delors dimanche, maintenant que la surprise est passée, c’est tout bonnement que personne, parmi

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