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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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ses amis politiques, ne serait jamais en mesure de faire quoi que ce soit.
    Ou plutôt non, il n’a pas dit, dimanche dernier, le plus important. Il pensait que sa candidature allait d’emblée séduire les centristes. J’avais bien compris, au cours de ma récente rencontre avec Bernard Bosson, que tel ne serait pas le cas. Après sa victoire, peut-être ; avant, pas question !
    Il pensait également que les socialistes se mettraient comme un seul homme en ordre de bataille derrière lui. À partir du moment où, à Liévin, Henri Emmanuelli se prononçait en faveur d’un virage à gauche, même si, à la tribune, le même exhortait Delors à « faire son devoir », les socialistes eux aussi risquaient de faire défaut.
    De là à renoncer sans combattre, il y a un monde. Chirac et Mitterrand avaient raison : l’un ou l’autre n’ont jamais cru à la candidature Delors. Il leur a semblé, à l’un comme à l’autre, que Delors manquait de la détermination farouche nécessaire à une campagne présidentielle. Après tout, peut-on vraiment lui en vouloir ? Personne n’est obligé d’avoir attrapé le virus de la politique.
    Voilà qu’à mon tour je me mets à penser : « Pauvre Delors... »
    14 décembre
    Sans tarder, les états-majors, sonnés par la retraite de Delors et plus encore par sa mise en scène, reprennent leurs esprits. Les leaders de l’UDF se remettent à espérer jouer un rôle. Pour Chirac, officiellement candidat, la défection de Delors ne change pas la donne. Toutau plus cela lui redonne-t-il un peu d’air. C’est Édouard Balladur, je pense, qui doit être le plus soulagé. Au début, l’évocation de la candidature Delors lui permettait de montrer à la majorité qu’il était son vrai rempart, et que Chirac apparaissait, dans ce cas, comme un diviseur. Ça, c’était à l’automne dernier. Mais il a commencé à avoir peur que l’UDF, surtout les centristes, soient séduits par le personnage Delors, l’Europe de Delors, la démocratie chrétienne à la Delors. Cela ne l’amusait plus du tout. Au total, c’est un sentiment de soulagement qu’ont dû éprouver le Premier ministre et ses conseillers. Ils ne le diront jamais, mais je mettrais ma main à couper que j’ai raison.
    C’est au Parti socialiste que la confusion est la plus grande. Au fond, l’équipe d’Emmanuelli n’avait rien préparé. Le premier secrétaire ne voulait sans doute pas de Delors, mais il n’a avancé, à Liévin, aucun autre nom. Les deloristes – Ségolène Royal, François Hollande, Jean-Pierre Mignard – se sentent orphelins : ils sont surtout les dindons de la farce, si tant est que cette non-candidature en soit une. Quand on pense que, depuis des semaines, ils analysent le comportement électoral de Mitterrand au cours des dernières batailles, qu’ils sollicitent et prennent des concours politiques et financiers, qu’ils réunissent dans leur petit local de Saint-Germain groupes d’experts et économistes distingués ! Tout cela pour que Delors leur ait caché ce qu’il allait dire, dimanche, chez Anne Sinclair, et plus encore à quel moment de l’émission il le dirait.
    Restent les éléphants qui reprennent espoir : après tout, leur tour est peut-être venu. Mais qui ?
    Juste un mot sur ce que vient de nous dire Mitterrand aujourd’hui. La rédaction et la direction du Nouvel Économiste lui a audacieusement décerné, au moment où, malade, il s’apprête à quitter le pouvoir, le prix de l’homme politique de l’année. Comme il ne voulait pas se déplacer jusqu’au Sénat où la petite cérémonie avait lieu, il nous a tous reçus à l’Élysée. Il nous a surtout fait la surprise d’un discours improvisé sous la forme d’un extraordinaire autoportrait. Je ne peux pas citer ici l’intégralité du texte, fort beau. Je n’en ai noté au passage que quelques phrases, étant donné que le discours entier a bien entendu été enregistré et que je suis en train de le relire. Je retiens : « On dit de moi que je suis opportuniste, malin. Mais, pendant vingt-quatre ans, entre 1957 et 1981, je suis resté complètement en dehors des allées du pouvoir. Je ne suis pas allé une seule fois, pendant ces années-là, à la préfecture de Nevers, je ne suis jamaisallé à la sous-préfecture de Château-Chinon ! Je n’ai jamais participé à une cérémonie officielle, je ne suis jamais allé dans un palais, dans un ministère. Je me permets de

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