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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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demandais si cela y avait ajouté quelque chose de se lancer, en direction d’une certaine gauche populaire, à parler de changement, de nouvelle politique, de fracture sociale. Eh bien, oui : Chirac est, de loin, le candidat préféré des jeunes, il améliore son score chez les ouvriers et les chômeurs. Il a augmenté d’un point son capital de voix par rapport à 1988. Un point seulement ? Cela lui a suffi 25 .
    Cela étant, qu’est-ce qui explique qu’au dernier moment, 2 à 3 % des électeurs aient pu ne pas voter pour lui après avoir déclaré qu’ils allaient le faire ? Toubon a évacué l’histoire de l’appartement de la rue du Bac. L’affaire Trichet et surtout la polémique dont elle a servi de point de départ, sur l’indépendance de la Banque de France et le franc fort, a pu se révéler plus efficace, car Matignon en avait profité pour accuser Chirac de menacer le franc par des déclarations incontrôlées.
    J’adore les questions auxquelles l’Histoire n’apportera jamais de réponse : si la campagne avait duré quelques jours de plus, au moment où l’ouverture à gauche de Chirac était contrebattue par la campagne de Jospin, Balladur aurait-il pu arriver second ? Autre interrogation en sens inverse : à combien évaluer le nombre d’électeurs traditionnellement de gauche qui, comme beaucoup autour de moi – si je me souviens des confidences de Mitterrand à Pierre Bergé –, ont voté Chirac dès le premier tour pour barrer la route à Balladur ?
    29 avril
    Tout de même, ils étaient tous autour de Chirac, ce soir, à Bagatelle. Sous la pluie et dans la boue, tous les chefs de la majorité qui s’entr’égorgeaient depuis deux ans étaient présents. Chirac a dû sérieusement rigoler en voyant autour de lui, derrière lui, cette troupe désaccordée ! Curieusement, Balladur, revenu de Chamonix, a été applaudi par la foule, mais cela n’a rien eu à voir avec les ovations qui ont accueilli les ralliés à Chirac venus de l’UDF : Alain Madelin,Charles Millon... Jacques Chirac n’a pas infléchi son discours dans le sens balladurien, car il a eu trop peur de paraître faire des concessions, mais, du coup, il n’a rien apporté de neuf à la campagne, si ce n’est un effet de masse.
    En revanche, Lionel Jospin, lui, commence une campagne d’enfer pour le second tour. Comme il a créé la surprise au premier tour, la gauche socialiste se sent exister à nouveau. Son électorat aussi. La dynamique est du côté de Jospin, l’arithmétique du côté de Chirac.
    3 mai
    Rien écrit hier sur le traditionnel face-à-face présidentiel, parce que j’étais occupée par les commentaires à l’antenne. Du coup, cela ne m’a pas été trop pénible de ne pas l’avoir animé. Je ne suis pas très fière de mes sentiments : je sais que j’en ai déjà animé deux, en 1981 et 1988, je sais qu’il faut laisser la place aux jeunes. Reste que je n’étais pas particulièrement contente de laisser ce rôle à d’autres. Je ne dis cela à personne, bien sûr, il n’y a qu’ici que je puis le reconnaître et le confier.
    C’est Claude Estier, pour le compte de Jospin, et Jean-Michel Goudard 26 , pour celui de Chirac, qui ont eu en charge les délicates négociations avec le CSA et les différentes chaînes. Le débat s’est déroulé au studio 101 de la Maison de la Radio, avec tout le rituel prévu par la loi et la solennité de l’occasion. Je me trompe peut-être, mais les deux candidats m’ont semblé s’être mis d’accord sur le ton à adopter : pas de polémique du type de celle qui avait marqué le face-à-face Mitterrand-Chirac de 1988, pas d’empoignades, pas de coups tordus. Du coup, le débat a été sans surprises. Il n’a pas suscité chez moi, ni chez les autres, un intérêt similaire aux précédents. Je dirais qu’ils ont terminé l’un et l’autre sur un match nul : Jospin n’a pas un instant déstabilisé le bulldozer Chirac, et Chirac n’a pas cherché à déséquilibrer Jospin. Chirac a paru assagi, et Jospin courageux. Pas de quoi bouleverser le rapport de force politique.
    Il est un autre sujet sur lequel je suis sûre que les deux candidats sont tombés d’accord, même si leurs représentants affirment le contraire : il n’a pas été question de Le Pen dans le cours du débat. La veille, un drame est en effet venu accompagner la traditionnelleparade du 1 er  Mai de Jean-Marie Le Pen. Un jeune Marocain a été

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