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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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fou, on s’en doute, à ce dernier. Il a envoyé une lettre à tous les parlementaires sur le thème : par pitié, pas trois septennats socialistes ! Argument qui doit les mobiliser. Et enfin, il l’a répété ce matin : « Pas de combinaisons, pas de négociations, cela ne pourrait que nuire. »
    Je demande à Jacques Toubon sa propre analyse des résultats d’hier et ses pronostics pour le second tour. Il revient sur le chiffre de Lionel Jospin dont il juge la communication très mauvaise, et le côté boy-scout insupportable. Mais il ajoute paradoxalement : « Plus il était maladroit, coincé, plus sa campagne paraissait lente, moins il était soutenu par les caciques du PS, plus il est apparu comme un homme de gauche comme on n’en fait plus, et donc susceptible d’effacer les turpitudes de Mitterrand. »
    Sur le fond, il juge également que Balladur et Chirac ayant fait en grande partie campagne l’un contre l’autre, et pas contre la gauche, ils ont laissé un boulevard à Jospin.
    Je lui demande quel impact ont eu à son avis sur la campagne la polémique avec Jean-Claude Trichet et la controverse sur son appartement de la rue du Bac 24 . « Cela a fait perdre des points, pense-t-il, parmi les catégories supérieures de la population du type lecteurs du Monde , encore que je ne sois pas sûr que, de toute façon, ils auraient voté pour nous. »
    Reste la question du comportement des électeurs de Le Pen. Ils ne se reporteront pas tous sur Jacques Chirac. Au surplus, Toubon – donc Chirac – pense qu’il y a deux catégories de gens qui ont intérêt à la politique du pire : « Le Pen, le premier, pense avoir beaucoup à attendre d’une crise et de l’élection de Jospin à la Présidence de la République, ce qui lui permettrait d’apparaître comme le seul rempart contre la gauche. Et puis, ajoute-t-il, il y a aussi tous ceux qui espèrent, après l’élection, pour la troisième fois, d’un socialiste à l’Élysée, une recomposition de la droite : c’est le cas de François Léotard, de François Bayrou ou de Nicolas Bazire. Je ne croispas que cela ira bien loin, mais enfin, la tentation existe de créer une nouvelle donne de la vie politique. »
    Conclusion : « Rien n’est gagné pour Chirac. Jospin a assis sa crédibilité dans la dernière ligne droite d’avril. Chirac en aurait plutôt perdu en fin de campagne. Tout reste ouvert. »
    26 avril
    Les choses vont si vite et j’ai tant de boulot que je n’ai presque pas le temps d’écrire !
    Deux choses, néanmoins : la première est que Balladur a appelé ses électeurs à voter Chirac. Il l’a fait en des termes très clairs, afin de ne pas apparaître, à aucun moment, pour un diviseur face à la gauche. Mais l’ambiance n’est pas folichonne. Finalement, le 25, les deux hommes auraient dû se rencontrer. Chez Chirac, on dit (Toubon, le 24) que c’est Balladur qui sollicitait une entrevue, tandis qu’à Matignon on affirmait que Chirac était demandeur. Chirac a fait savoir à Pasqua qu’il n’était pas disposé à la moindre négociation, et le rendez-vous est tombé à l’eau. Balladur, du coup, a annoncé qu’il partait pour Chamonix.
    La deuxième chose est que, la surprise retombée, lorsqu’on fait les comptes, on s’aperçoit qu’en additionnant toutes les voix de droite, on arrive à 60 % des suffrages, puisque Villiers est à 5 % et que Jean-Marie Le Pen atteint les 15 %. Là encore, nous avons tous écrit ou dit que l’élection présidentielle n’était pas, par nature, celle où le président du FN avait le plus de chances de briller. Eh bien, il a talonné Balladur !
    La gauche, elle, est à 40 %. Les chiffres de Jospin ne lui permettent pas, en l’état actuel des choses, d’être élu. 23 %, c’est plus que le parti socialiste n’en avait obtenu aux législatives de 1993, mais il s’agissait alors d’un échec historique. C’est plus que ce que Rocard avait recueilli aux européennes, mais Bernard Tapie lui en avait fauché 12 %. En revanche, Mitterrand a fait 5 points de plus en 1981, et 10 points de mieux en 1988...
    Jospin a enrayé la chute de la gauche, il s’est imposé dans une bataille décisive, malgré la neutralité absolue, pour ne pas dire l’hostilité relative de François Mitterrand. Quoi qu’il arrive, il sera, dans les mois qui viennent, le numéro un du PS.
    28 avril
    Je reviens sur l’analyse détaillée du score de Chirac. Je me

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