Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
Vom Netzwerk:
n’apprécie guère. Il ironise volontiers sur les hommes politiques, mais hésite à trouver ça drôle quand il est question de lui. Il a pourtant la dent dure, très dure, sur ses anciens compagnons du « non » au référendum sur Maastricht : « Après la bataille, dit-il, Philippe Séguin est retourné à son caractère, la lâcheté, et Charles Pasqua au sien, la velléité. » Voilà pour les ex-petits camarades...
    Il me confie qu’il a craint qu’après avoir quitté le gouvernement, en 1995, Alain Madelin ne fonde son propre parti : « S’il l’avait fait, je serais mort. Il ne l’a pas fait ; aujourd’hui, il n’a plus qu’une chose à faire : rentrer au bercail, c’est-à-dire à l’UDF. »
    Il reste hostile à la monnaie unique, et me dit qu’il n’est pas le seul : selon lui, 25 % des militants UDF et 30 % des RPR sont hostiles à l’euro : « Et il y aura toujours sur l’étagère un homme, moi, qui dira : je suis contre l’euro ! » Il me décrit la situation apocalyptique qui, à l’entendre, sera celle des partis de la majorité après la naissance de l’euro : « Le RPR implosera, l’UDF explosera. »
    Je ne vois pas bien la différence entre implosion et explosion. Il s’explique : « Le RPR s’enfoncera comme le Titanic , parce que la seule valeur commune qu’il ait gardée, c’est la discipline. L’UDF explosera en bandes rivales qui s’entre-tueront : Léotard, Bayrou, Madelin. La gauche ne va pas mieux, mais le phénomène nouveau est qu’elle en train de s’unir, tandis que la droite est éclatée en trois filiales, mais sans holding. »
    Dans tout cela, Le Pen, dont les sondages viennent de montrer qu’en cas de législatives il gagnerait des voix, reste de plus en plus dangereux. : « Vous allez voir, prédit encore Villiers, il y aura deux cents élections triangulaires majorité-opposition-FN en 1998. »
    3 avril
    Déjeuner à Matignon avec Alain Juppé. Aujourd’hui, alors qu’il nous reçoit, il paraît rasséréné : le gouvernement bénéficie d’une légère remontée dans les sondages. Il croit à la reprise que le patron de l’INSEE lui a confirmée il y a quelques jours. Les milieux financiers, dit-il, sont optimistes. Et le climat social n’est pas trop mauvais : il nous raconte – ce qui était passé inaperçu à nos yeux – qu’il s’est rendu, hier, au congrès CFDT des entreprises en compagnie de Nicole Notat qui lui avait proposé cette visite. L’atmosphère n’a pas été mauvaise au moment de son arrivée. Un peu plus tard, lorsqu’elle a senti que les choses pouvaient se gâter pour lui, elle lui a dit : « Allons-nous-en ! »
    À vrai dire, ce dont nous voulons lui parler, c’est de l’hypothèse qui court Paris : celle d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Il semblerait qu’entre les « trois boutons » – expression qui m’a marquée –, Chirac ait choisi celui-là : la dissolution.
    Il énumère d’abord les arguments en faveur de la dissolution : d’abord, le calendrier européen. C’est en mars 1998 que le chiffre du déficit doit être communiqué. Pas moyen, selon lui, de le faire passer en dessous des 3 % à cette date. « Le calendrier est épouvantable, dit-il. La campagne de 1998 se fera sous une épée de Damoclès dans la perspective d’un proche changement de monnaie. » Et puis, autre raison qui pousserait à dissoudre l’Assemblée nationale dès maintenant, c’est l’embellie qui est celle du gouvernement depuis trois ou quatre semaines : « Il n’est pas sûr que cela dure », note-t-il en expert des pics et des abîmes de popularité. Autrement dit : autant en profiter.
    Il enchaîne sur l’énumération des facteurs qui pousseraient, en sens inverse, Jacques Chirac à attendre l’échéance législative prévue. Premier argument : sauf quand elle a été pratiquée sitôt après une élection présidentielle, comme en 1981 et en 1988, la dissolution a été rarement appliquée en France, sauf en 1968. Deuxième interrogation, la plus importante : « Comment les Français réagiraient-ils face à une dissolution qui risque d’apparaître, dit-il, comme celle du bon plaisir et du confort ? »
    Il n’en dira pas davantage aujourd’hui sur une telle perspective. D’abord parce que c’est l’affaire du Président, et non la sienne. Ensuite parce qu’à l’heure qu’il est, Chirac n’en sait peut-être rien lui-même :

Weitere Kostenlose Bücher