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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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fait. »
    10-15 avril
    Suivent quelques jours politiquement flous. Les différents ministres continuent d’évoquer leur action ministérielle : Debré me parle de la différence entre écoutes téléphoniques légales et écoutes téléphoniques illégales ; Jacques Barrot, de ses projets en matière d’exclusion ; Jean-Claude Gaudin, des villes métropoles et de délocalisation. De son côté, Laurent Fabius se plaint du vieillissement des militants socialistes, de leur diminution (100 000 aujourd’hui, 200 000 aux meilleurs moments de son histoire). Il fait cette constatation désabusée que là où un homme politique attire pour un meeting quatre cents personnes, n’importe quel humanitaire en réunit trois fois plus.
    J’ai l’impression que la vie politique, dans l’attente de la décision présidentielle, est en suspens.
    15 avril
    L’Assemblée nationale accueille aujourd’hui Geneviève de Gaulle, animatrice de l’association ATD Quart Monde, pour parler, au nom du Conseil économique et social, du partage des ressources entre riches et pauvres. Elle est maigre, sa voix est si faible qu’elle en est presque inaudible. Et pourtant, elle est animée d’une volonté si farouche, dans sa lutte contre la pauvreté, qu’elle en est émouvante. Santé, logement, contrat d’initiative locale, politique familiale : elle passe en revue tous les secteurs traités dans la loi de Jacques Barrot, en regrettant une lacune essentielle, sur l’éducation et la culture. Elle demande la création d’un observatoire de la pauvreté.
    Elle a beau être exemplaire et digne, tout le monde, dans les couloirs, ne parle que de dissolution. « Pour moi, me dit Pierre Lellouche, plus tôt on en aura fini avec les législatives, plus vite nous mettrons en place nos réformes de structures et nous ferons l’euro, mieux ce sera. Maintenant, si on préfère en rester au fonctionnement classique de la V e  République, on peut toujours ne rien faire... »
    Pierre Mazeaud n’est pas de cet avis. Il me confie qu’il sera reçu par Jacques Chirac demain matin. Il sait que l’Élysée – c’est-à-dire Dominique de Villepin – a envisagé la dissolution, dimanche, avec un certain nombre de ministres auxquels il a demandé leur avis. Mazeaud me précise la jurisprudence de la V e  République en matière de dissolution, et c’est ce qu’il compte bien rappeler à Jacques Chirac demain. La dissolution, me dit-il en s’en tenant au plan institutionnel, répond à deux motifs qui ne sont pas inscrits dans la Constitution : « Soit la crise entre l’exécutif et le peuple : comme en 1962 et 1968 ; soit la crise entre l’exécutif et le législatif : comme en 1981 et 1988. »
    « Je ne dis pas que la jurisprudence est définitive, dit-il pour ne pas fermer la porte à une dissolution dite “de confort”. Mais telle est mon argumentation. »
    16 avril
    Brice Hortefeux, le lieutenant préféré de Sarkozy, me l’assure : « La dissolution est sûre à cent pour cent. » Nous parlons quelques instants de la position de Nicolas Sarkozy au sein du RPR. Il me semble qu’il y a retrouvé toutes ses marques. Je lui rappelle à cetteoccasion une des scènes de la vie politique qui m’a le plus impressionnée depuis longtemps.
    J’avais accompagné Sarkozy lors de sa première « sortie » lorsque, après une phase de retraite, en 1995, il avait décidé de partir à l’assaut du mouvement gaulliste. C’était un dîner-débat, j’ai oublié où, tant j’ai assisté dans ma vie à ces réunions politiques entre deux avions. C’était, je pense, entre Poitiers et Angoulême – Sarkozy, lui, s’en souviendra si je lui pose la question –, où, passant à table, il avait été accueilli de façon presque hostile par les militants, ou plutôt par les dirigeants locaux du RPR. Il avait commencé son intervention par ces mots : « Je vous remercie d’avoir invité un traître. » La salle, comme moi d’ailleurs, avait été soufflée par son culot. Lorsqu’il a eu fini de parler, au bout d’une heure, les gens se sont levés et ont applaudi.
    Hortefeux n’était pas là, mais Sarkozy lui en avait parlé, pas mécontent de son effet. En tout cas, il est aujourd’hui favorable à une dissolution qui changerait la donne et lui permettrait de reconquérir toute l’influence qu’il a perdue en 1995.
     
    La journée d’aujourd’hui, 16 avril, sera celle d’un tourbillon de rumeurs

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