Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
de la réunion radicale d’avant-hier et y voit – ce qu’a d’ailleurs souligné la presse de ce matin – les débuts d’une mise en ordre de bataille dans la perspective des législatives.
Je note ce bon mot qu’il n’a pu retenir : « Fabius et Juppé, dit-il à un moment de la soirée, ce sont les mêmes personnages. Moi, quand Fabius me sourit et qu’il me dit des paroles gentilles, je suis gêné à l’idée du mal qu’il se donne pour être aimable. »
10 mars
Je prends des notes pendant que Jacques Chirac commence son émission spéciale sur France 2 et France 3. Sans doute a-t-il voulu s’adresser une nouvelle fois aux jeunes, considérant qu’il n’a pas réussi à les convaincre au cours de sa dernière émission de décembre. Dans l’intervalle, il est intervenu sur le petit écran au sujet de la réforme de la Justice : on a l’impression, avant d’ouvrir son poste, que, maintenant, il apparaît décidément beaucoup trop.
Ce soir, c’est donc une nouvelle émission spéciale intitulée « Années 2000, une chance pour tous ? » – avec un point d’interrogation à la fin. Elle est diffusée en direct depuis la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette. Le plateau est somptueux, le public nombreux et composé, ainsi que le dit William Leymergie dès les premières minutes, de « personnes ayant entrepris des expériences concrètes pour les jeunes ». On ne sait pas exactement ce que cela veut dire. La seule chose qui me saute aux yeux, c’est que rien n’a été laissé au hasard : Jean-Marie Cavada et Leymergie en sont les deux seuls animateurs, preuve que la présence de trop nombreux interviewers du Président, en décembre dernier, a laissé un mauvais souvenir à l’équipe de communication présidentielle. Au menu : lesjeunes, de l’enfance jusqu’à l’entrée sur le marché du travail. Et, pour commencer, un sondage qui a été rendu public ce matin : « Sur qui comptez-vous le plus pour préparer votre avenir ? » ont demandé les sondeurs de l’IFOP. De manière assez sympathique, les jeunes interrogés ont dit qu’ils comptaient d’abord sur eux-mêmes. Et puis, par ordre décroissant : sur leurs parents, sur les chefs d’entreprise. Chirac arrive en sixième position. Cavada a l’air de trouver que le Président est à la traîne, dans le cœur des jeunes. Moi, j’estime le contraire : si on m’avait demandé, lorsque j’avais 20 ans, si je comptais sur le président de la République pour assurer mon avenir, je n’en aurais pas cru mes oreilles. Chirac, pas étonné non plus de figurer en 6 e position, conclut que la jeunesse française est « formidable », justement parce qu’elle compte d’abord sur elle-même pour se sortir de la panade et trouver un emploi.
Pour le coup, si les téléspectateurs attendaient du concret, ils sont servis ! L’émission commence à l’école maternelle avec l’apprentissage de la lecture, elle se poursuit par les responsabilités des parents et la lutte contre l’analphabétisme. Elle passe par les ordinateurs à l’école et les nouveaux métiers liés à l’informatique. Formation continue, rôle des entreprises, apprentissage, tutorat, sida, droit de vote aux jeunes : rien n’y manque !
Au bout d’un certain temps, je cesse de prendre des notes. Je ne trouve pas cela ennuyeux, mais très long. Je relève tout de même le côté optimiste de Chirac qui revient, au cours de l’émission, sur l’idée que les jeunes sont solidaires, ouverts, formidables – il répète le mot plusieurs fois – et qui, pour finir, vante cette « jeunesse qui a une chance fantastique » au sein d’une nation, « qui ne sera une grande nation que si elle intègre tous ses enfants ».
L’émission a duré près de deux heures. Je ne sais pas ce qu’elle va apporter à la popularité de Jacques Chirac, mais, franchement, cela ne peut pas lui nuire.
13 mars
J’ai oublié de mentionner ici la fermeture par Renault des usines de Vilvorde 16 . Je rencontre aujourd’hui Louis Schweitzer, le présidentde Renault, ancien directeur de cabinet de Laurent Fabius, qui est, depuis une semaine, au centre de la polémique suscitée par cette fermeture. Coup sur coup, Lionel Jospin a demandé que la décision de fermeture et le plan social qui l’accompagne « soient reconsidérés 17 », tout en laissant entendre que la gauche au pouvoir n’aurait jamais permis une chose
Weitere Kostenlose Bücher