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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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« transparence », le contraire. Léotard, cela se comprend : son but, désormais, est de déstabiliser le gouvernement, puisque le remaniement n’a pas eu lieu et qu’il n’y est pas entré. Jospin, lui, a bien vu que les grandes manœuvres politiques commençaient et que le Parti socialiste risquait de devoir défendre l’indéfendable. Pour se dédouaner des différents gouvernementssocialistes, il a donc demandé aussitôt la levée du « secret défense ». D’où les commentaires dans l’avion qui nous conduit à Strasbourg. Jacques Toubon commence par plaisanter : « Une vraie raison pour ne pas ouvrir le “secret défense”, c’est que Léotard le demande. C’est la dernière chose qui nous reste, avec la bombe atomique et l’article 16 ! » – avant d’estimer, sur le fond : « Il n’y a plus, explique-t-il, de “secret défense”, si on l’ouvre une seule fois. » Les vieux gaullistes partagent son avis. Ce qui fait jaser, c’est l’attitude de Lionel Jospin. Les voyageurs de l’avion de Strasbourg ne comprennent pas, en gros, pourquoi un socialiste veut lever le « secret défense » concernant des écoutes effectuées sur ordre d’un autre socialiste. Roger Romani s’exclame : « Jospin exagère, d’avoir demandé la levée du secret ! » Je lui dis que la demande de transparence est peut-être dans son intérêt. Il est interloqué : « Mais, dit-il, certains socialistes peuvent avoir à le regretter ! » Ce n’est pas à moi de lui expliquer que, dans la période de bouleversements électoraux qui va s’ouvrir ou qui risque de s’ouvrir, Jospin ne veut pas qu’une grenade lui explose inopportunément au visage.
    Quittant le domaine des écoutes, je demande à Bernard Pons s’il pense que le Président va dissoudre. Il me dit qu’il a entendu parler de dissolution pour la première fois il y a un mois. Quand cela ? Quand l’Élysée et Matignon ont pris connaissance d’une note de perspectives élaborée par la direction du Budget sur l’évolution des dépenses publiques.
    Je lui fais remarquer que des notes de conjoncture de Bercy, il y en a tous les ans, à peu près à la même époque, autour de Pâques. Elles sont, par nature, catastrophiques, puisqu’elles ont pour vocation d’exonérer le ministère des Finances et les inspecteurs du même nom de tout reproche sur un éventuel dérapage. Pons en convient : il me dit néanmoins que la note, qui prévoit un déficit largement supérieur à 3 % du PNB, a plongé l’Élysée et Matignon dans l’accablement.
    « Après cela, j’en ai parlé avec Juppé et je lui ai dit : c’est une connerie. La dissolution n’est pas un instrument pour faire des coups politiques ! Mais il semble y tenir, et Chirac aussi. Alors... »
    Donc, il y aura bien dissolution. Tous les « compagnons », dans l’avion, en sont maintenant à peu près convaincus. Il y a les pour, il y a les contre, mais tous se sentent déjà peu ou prou en campagne électorale.
    Nous atterrissons à Strasbourg pour le cinquantième anniversaire du discours du général de Gaulle. Allocution officielle, assez plate,de Jean-François Mancel. Retour dans l’avion. Bernard Pons fait la tête : il a trouvé la cérémonie minable. « Pas une image du Général, se plaint-il, pas une croix de Lorraine, pas une formule du Général ! » Franck Borotra, à côté duquel je suis assise pendant le vol, classe ainsi les ministres : « Il y a parmi eux, me dit-il, les chefs de partis : Charette, Millon, Toubon ; les carpettes ; et puis ceux qui résistent au Premier ministre et au Président, comme Pons et moi. » Il me parle, pour illustrer son propos, du contrôle de Thomson : il n’est pas hostile au choix de Lagardère, mais « les conditions de la prise de décision, me dit-il, sont inacceptables ».
    D’une rangée à l’autre, les vieux gaullistes ou ce qu’il en reste se rappellent avec des rires certains bons mots du Général. Je retiens celui-ci : le directeur d’HEC fait visiter à de Gaulle son établissement de Jouy-en-Josas où l’école de commerce vient de s’installer. « C’est très bien, lui dit celui-ci, mais pourquoi si loin de Paris ? – Vous savez, lui répond le directeur, dans vingt ans la zone urbaine sera continue jusqu’à Paris. » De Gaulle marque un temps. Puis : « Vous avez raison, dit-il, quand on a passé le Petit-Clamart, le plus dur est

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