Carl Justav Jung: Vie et Oeuvre de Carl Gustav Jung (French Edition)

propos de la Conscience morale et Présent et Avenir (1957).
    Et le vieil homme met une nouvelle fois les pieds dans le plat -- celui de la science établie, avec la Symbolique du transfert (1946) et surtout La Synchronicité comme principe d'enchaînement a-causal (1952) et Un Mythe moderne , sur les soucoupes volantes (1957). Son renom, s'il se peut, s'en trouve encore élargi: le 17 août 1957 est formée à Zurich la Société suisse de Psychologie Analytique, exclusivement composée de praticiens de l'analyse. Le Maître avait jusqu'alors refusé toute organisation officielle, qui lui semblait avoir tant nui au freudisme. Tout au plus avait-il seulement accepté autour de lui, la formation du Club Psychologique de Zurich en 1916, transformé en 1948 en Institut Jung et une association de psychologues (médecins ou non) en 1935 dont naîtra la Société de Psychologie Analytique.
    À quatre-vingt-six ans le créateur de la psychologie analytique s'enorgueillissait en tout et pour tout du Grand Prix de littérature que lui avait décerné en 1932 la ville du Zurich ! On peut imaginer quel aurait pu être son dernier message à sa bonne ville, à l'instar du très vieux peintre illustre à qui l'Empereur de Chine réclamait un ultime chef-d'oeuvre, couronnement de son art pour la postérité. Le peintre prit toute une année, sa dernière année, pour faire un simple chemin... Et comme la Cour déçue se récriait, il tenta d'expliquer que c'était là le chemin de sa vie. Et, à mesure de ses explications le peintre rentra dans sa toile, qu'il parcourut jusqu'à ne plus faire qu'un petit point au bout du chemin...
    Bernard Thomas Gennari
Revue Planète numéro 18, octobre 1970,
La République des Lettres, n° 48, décembre 1998

La Tour de Bollingen

    La Tour de Bollingen est une représentation concrète des connaissances que Carl Gustav Jung a conquises sur les profondeurs de l'âme, "une profession de foi en pierre". Il l'a acheté sur la partie haute du lac de Zurich, un terrain qui avait appartenu autrefois au monastère de Saint-Gall. Il y fit construire lentement une merveilleuse retraite, en suivant ses inspirations successives. Il avait coutume de l'appeler "la Tour", mais c'était en réalité bien plus qu'une tour, c'était un véritable petit château moyen-âgeux de conte de fées. Sa complexité était riche de sens et symbolisait la plénitude psychique que le sage avait su acquérir en vieillissant. D'abord une vaste tour ronde à deux étages, le foyer central où se déroule la vie familiale. À côté une autre tour, plus petite, plus élevée, dont il garde la clé et où lui seul a le droit de pénétrer, la tour "spirituelle" propice aux méditations. Enfin, regardant le lac, une pièce accueillante, aux larges fenêtres ouvertes sur le ciel et sur la nature.

Jung et Freud
    En 1906, on fêta les 50 ans de Sigmund Freud. Les disciples lui ont offert une médaille portant son profil à l'envers et, au revers, Oedipe et le Sphinx avec une citation de Sophocle. Freud pâlit. Il conta qu'au tout début de ses études, contemplant les bustes des grands professeurs à la faculté de Vienne, il avait imaginé son propre buste avec sur le socle, cette phrase de Sophocle sur Oedipe "Qui résolut l'énigme fameuse et fut un homme de très grand pouvoir." Or c'est cette même phrase que les psychanalystes viennois avaient fait graver sur la médaille du cinquantenaire.
    La violence de sa réaction ne montre-telle pas, chez un "matérialiste" proclamé, une sensibilité aux coïncidences qui pourrait être baptisée tendance mystique ?
    En 1906, le Dr. Carl Gustav Jung avait 31 ans. Il travaillait au Burghözli, le fameux hôpital psychiatrique d'Eugen Bleuler où son ouvrage sur l'occultisme lui donnait une place à part. Fils de pasteur, Jung avait accepté l'ascèse que le Dr. Bleuler, directeur de la communauté du Burghözli exigeait de ses disciples: croyant, pratiquant, végétarien, il ne buvait pas de vin... Disciple favori de Bleuler, Jung avait, dans son livre, cité La Science des Rêves de Freud et Bleuler avait fait savoir au pionnier viennois, encore très isolé, décrié, combattu, qu'il cherchait à appliquer la méthode psychanalytique au traitement ou à tout le moins à la compréhension de la schizophrénie.
    En cette même année 1906 est survenu ce que Carl Gustav Jung baptisa "l'événement le plus important de ma vie": sa rencontre avec Sigmund Freud. L'aîné s'est aussitôt