Cathares
nommée « la Cathédrale » présentait une teinte légèrement plus foncée. Je me suis bien gardé d’en parler à quiconque et surtout à Antonin Gadal. Je suis sûr qu’il aurait tiré toute la gloire d’une pareille découverte ! C’est la raison pour laquelle je suis revenu à plusieurs reprises dans la grotte et que certains m’ont accusé de m’y livrer à des déprédations pour corroborer mes théories. Certains ont même été jusqu’à affirmer que je dessinais des motifs sur les parois pour accréditer mes thèses. Qu’ils pensent ce qu’ils veulent, cela ne me touche pas. Je savais ce que j’avais à faire, je m’étais attelé à la mise à jour de la fresque des Parfaits. Mais il fallait agir avec précaution, très doucement pour ne pas l’abîmer après sept siècles de recouvrement par la fine couche de calcaire.
Hélas, la faillite de l’hôtel et les attaques mesquines des habitants de la région ont fini par contrarier mes plans. J’ai été contraint de quitter Ussat-les-Bains dans la précipitation avant d’avoir terminé mon travail. Heureusement, personne n’était au courant de cette découverte et je me suis armé de patience. Quand la SS m’a fourni les moyens nécessaires pour poursuivre mes travaux, j’ai fait appel à la seule personne qui pourrait m’assister dans ma quête.
Betty avait été la moins fiable de mes employées, mais elle était aussi la plus maligne et surtout la plus intéressée. Je ne me suis pas trompé. Elle a accompli des merveilles et dans la plus grande discrétion. Un jour, j’ai reçu les quatre fameux blasons qu’avaient tracés les Parfaits au fond de leur grotte. Le Graal était enfin à portée de main ! À la portée de ma main !
Ton dévoué,
Otto Rahn
38
Le Bihan avait longtemps erré dans les rues d’Ussat sans trouver la moindre trace de Mireille. Les questions qu’il avait posées aux habitants ne l’avaient pas plus avancé. Non seulement personne ne l’avait vue, mais surtout, nul ne semblait se préoccuper de ce qui avait pu lui arriver. Un moment, il songea même à retourner à l’hôtel de la Source, mais l’idée d’affronter l’inflexible Madame Lebrun le découragea. Il en revenait toujours au même constat : Mireille avait disparu et Philippa était en danger. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, il ne doutait pas que les deux femmes ne faisaient qu’une personne et que c’était bien Mireille qui était en danger.
Il pensa à Otto Rahn et la manière dont il avait été accueilli dans la commune. L’historien ne nourrissait aucune sympathie pour le nazi chasseur de Cathares, mais il comprenait mieux pourquoi il était si difficile de mener une pareille quête dans la région. C’était un peu comme si les habitants avaient peur de réveiller les vieux esprits qui dormaient ici depuis la nuit des siècles. Tous les témoins qui l’ont bien connu ou seulement approché ont présenté Rahn comme un homme extraverti, ayant une haute idée de lui-même et de sa mission. Les historiens l’ont décrit comme un illuminé poursuivant des chimères sur la base d’anciennes légendes germaniques et de traditions ésotériques. Le Bihan était convaincu qu’il avait dû souvent se sentir seul. Étrangement, il se demandait de plus en plus si l’homme de l’Ahnenerbe était aussi illuminé qu’on avait bien voulu le dire.
« L’Ordre Noir, la SS, ils se cachent. Ils ne sont jamais partis. »
L’historien finit par s’avouer bredouille et alla reprendre sa voiture en pensant à ce que Betty lui avait appris. Il devait absolument mettre la main sur le document pour savoir ce que Rahn avait découvert. Il se dit aussi qu’il devait retourner à Montségur, la forteresse vers laquelle paraissaient converger tous les éléments de cette étrange histoire. Il gara la 2CV dans le petit parking de l’hôtel des Albigeois et gagna la réception qui était déserte à cette heure déjà tardive. Il était vingt-deux heures trente et c’était le moment où Chenal et son équipe terminaient d’ordinaire le service en salle. Il n’y avait pas grand monde à l’hôtel, mais le restaurant bénéficiait de sa bonne réputation dans le département et il lui arrivait souvent d’afficher complet. Le Bihan prit sa clé dans le petit casier de bois et constata que deux morceaux de papier y avaient été glissés. Son coeur s’emballa. Il espérait que Mireille ou Philippa
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