Cathares
brillait à terre. Le Bihan comprit tout de suite de quoi il s’agissait : une tête de mort ! L’emblème de la SS qui jonchait le sol lui jetait un sourire narquois. Pire, il riait. Pierre se ramassa et l’examina. Il s’interrogea : qui avait pu le glisser dans sa poche ? S’agissait-il d’un défi ? Ou d’un avertissement ? Comment le savoir ?
Cette journée l’avait fatigué. Il était décidé à jouer franc-jeu avec son père le lendemain. Fuir et réapparaître, quinze ans plus tard, c’était trop simple et définitivement inacceptable. On n’efface pas ses erreurs d’un simple revers de manche. Le Bihan se planta devant le miroir au-dessus du lavabo pour regarder de quoi il avait l’air et trouva qu’il avait mauvaise mine. Il allait commencer à se brosser les dents quand trois petits coups résonnèrent sur la porte :
— Oui ? demanda Le Bihan.
— C’est Chenal, répondit la voix. Je vous dérange ?
Le Bihan remit sa brosse à dents dans le verre à eau et alla lui ouvrir.
— Non, pas du tout ! répondit-il. Je suis un peu fatigué et je me préparais à aller dormir !
— Vous faites bien ! C’est fatigant de se promener comme ça du matin au soir dans la région ! Mais alors, peut-être devrais-je vous laisser reprendre des forces ; je suis désolé de vous avoir dérangé.
— Pas du tout ! s’exclama Le Bihan finalement trop content de se changer un peu les idées. Que me vaut le plaisir de votre visite ?
— C’est que... hésita Chenal. Je ne sais pas trop par quel bout commencer. Vous savez, c’est un petit pays et les gens se parlent. Mais vous m’êtes sympathique et...
— Mais de quoi diable voulez-vous parler ? Allez-y, dites clairement ce que vous avez à me dire !
— J’ai un ami qui est hôtelier à Mirepoix, le père Cavaillac. Peut-être l’avez-vous déjà vu ici, un petit chauve, toujours souriant ! Bref, il m’a dit que vous aviez été à Mirepoix récemment et que...
— Et que quoi ? trancha Le Bihan subitement méfiant. Il existe une loi qui interdit d’aller à Mirepoix ?
— Non ! Bien évidemment que non ! Mais il m’a dit que vous étiez avec le beau Maurice.
— Le beau Maurice ?
— Oh, je ne sais pas sous quel nom vous le connaissez, mais nous, on l’appelle comme ça. Voilà, ce que je voulais vous dire, c’était de vous méfier si c’était bien de lui qu’il s’agissait.
— Mais, pour quelle raison ?
— Maurice n’a pas bonne réputation dans la région. On pensait d’ailleurs qu’il n’oserait plus pointer à nouveau le bout de son nez ! Il a trempé dans pas mal d’affaires louches pendant la guerre, du trafic d’oeuvres d’art et des combines pas très nettes pour voler leurs biens aux juifs en l’échange de faux sauf-conduits.
— Qu... Quoi ? répondit Le Bihan qui n’en croyait pas ses oreilles.
— Vous savez, ils sont nombreux à avoir profité de cette période pour se faire de l’argent facile.
Pierre se sentit pris d’une sensation de vertige. Ce père qu’il croyait perdu à jamais et auquel il était prêt à donner une nouvelle chance. Quel genre d’homme pouvait-il être ? Il savait qu’il était lâche et menteur. Mais de là à en faire un monstre profitant de la détresse des autres pour s’enrichir... Un flot de dégoût s’emparait de lui. Chenal vit à quel point son client se sentait mal.
— Monsieur Le Bihan. Je suis désolé de vous avoir raconté tout cela ! Je ne savais pas que vous étiez aussi proche. Je... Je peux vous servir quelque chose ? Un petit armagnac ? Une fine ?
— Non, répondit Le Bihan d’une voix sourde. C’est gentil. Je crois que j’ai surtout besoin de sommeil.
Chenal était encore embarrassé lorsqu’il quitta la chambre de Le Bihan. Le jeune homme était assis sur son lit. Il se tenait la tête entre les mains.
39
Erwin Müller finissait d’astiquer son Luger. Il passa un dernier coup du revers de sa manche sur la crosse et observa à la lueur de sa petite lampe de chevet si celle-ci brillait bien. Il estimait que son revolver était son meilleur compagnon, le seul ami qui ne l’ait jamais déçu ni trahi. La crosse brillait comme il l’espérait et il fut content de lui. Il tâta la gâchette et il se dit qu’il lui tardait de la presser à nouveau et cette fois pour de bon. Il en avait assez de toute cette comédie et il détestait les demi-mesures. Cela faisait sept ans qu’il
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