Cathares
à accepter.
— Je sais qu’il vous a fait souffrir, toi et ta mère, poursuivit-elle. Mais si cela peut te rassurer, il n’a pas mieux agi avec nous. Il a fini par abandonner ma mère qui n’avait pas assez d’argent pour s’occuper de moi. Il est parti, comme ça, du jour au lendemain, sans rien nous dire. Ma pauvre mère en était toujours aussi folle. C’est bien simple, elle n’arrivait même pas à lui en vouloir ! Alors, elle s’est laissée aller.
Mireille baissa les yeux un instant. Il lui était pénible de réveiller ces souvenirs.
— Elle ne s’est jamais vraiment occupée de moi : Elle a commencé à boire, elle en voulait à la terre entière. À la fin, j’étais obligée de mendier de la nourriture chez les voisins de l’immeuble. Elle ne quittait plus son lit et, un jour, elle a été dénoncée à la police. Quand elle a appris qu’ils arrivaient, elle a préféré se jeter par la fenêtre plutôt que d’affronter la réalité en face.
— Mais, c’est horrible ! Et toi ? demanda Le Bihan. Qu’es-tu devenue ?
— Maurice est revenu de manière aussi inattendue qu’il était parti. Il m’a emmenée avec lui et je l’ai accompagné pendant les années qui ont suivi. J’ai tout connu : les combines, les petits boulots pas glorieux, les escroqueries, les cavales minables. Mais c’était mon père. Il s’occupait de moi.
Mireille avait prononcé ces paroles sans s’apercevoir du mal qu’elles pouvaient provoquer chez Pierre. Lui n’avait jamais pu compter sur son père. Et il l’avait retrouvé pour le perdre aussi vite qu’il était parti la première fois. En guise de souvenir, il n’avait qu’un seul déjeuner avec lui et un océan de reproches.
— Voilà, poursuivit-elle, un peu gênée. Alors, j’ai fini par m’en aller. Je voulais me débrouiller par moi-même et surtout ne plus rien lui devoir. De temps en temps, ma route croisait la sienne, mais je ne cherchais jamais à le revoir. Ce sont les hasards de la vie. Tiens, j’ignorais par exemple qu’il était revenu dans la région.
— Et pour moi, tu savais ?
— Non. Je ne savais même pas qu’il avait un fils. Maurice utilisait tellement d’identités que je ne me souvenais pas du nom de Le Bihan. Ce n’est qu’il y a trois jours qu’il m’a tout raconté et que j’ai appris que j’étais ta soeur.
Mireille avait lancé le mot comme s’il avait été naturel. Pourtant, elle ne l’avait encore jamais prononcé. Pierre le répéta dans son esprit. « Soeur », il avait une soeur. Il y avait quelques minutes de cela, il espérait avoir trouvé l’amour et voilà qu’il se retrouvait avec une soeur.
— Mais où t’es-tu cachée ? lui demanda-t-il.
— Ici. C’est plutôt tranquille, tu ne trouves pas ?
Le Bihan réfléchit avant de s’exclamer :
— Mais tu n’es pas Philippa ?
— Philippa ? Je ne connais pas de Philippa, s’exclama-t-elle. Je me suis cachée !
— Cachée de qui ? Et pourquoi ?
— Pierre, il se passe de drôles de choses dans la région. Bien plus terribles que ce que tu peux imaginer ! En fait, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai la certitude qu’ils se taisent.
— Ils se taisent ? Mais qui ?
— Plein de gens, répondit Mireille sur un ton mystérieux. Ils possèdent des secrets qu’ils ne veulent pas réveiller. Et la tondue n’est pas la seule à la boucler !
De toute évidence, Mireille avait encore un oeuf à peler avec son ex-patronne. Le Bihan ne releva pas, il avait encore d’autres choses à apprendre.
— Maurice, que t’a-t-il dit ? Tu as une idée de ceux qui l’ont tué ?
— Maurice m’a conseillé de ne pas me mêler de tout cela. Il m’a seulement révélé qu’il savait certaines choses que d’autres préféraient oublier, mais que cela pouvait l’aider dans ses affaires. C’est tout.
— Il savait des choses, réfléchit Le Bihan. Tu étais au courant des biens des Juifs qu’il aurait revendus ?
Mireille ne parut pas étonnée.
— Je te l’ai dit : il n’expliquait jamais clairement ses affaires, mais je savais qu’elles n’étaient pas toujours très propres. Alors, pour faire simple, disons que cela ne m’étonnerait pas !
La jeune femme se tut. Elle semblait fatiguée de lui avoir raconté tout cela. Le jeune homme regarda avec des yeux nouveaux la soeur qu’il venait de découvrir.
— Et maintenant, qu’allons-nous faire ?
— Nous ? s’étonna Mireille.
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