Cathares
faire trébucher, puis il sortit un revolver de sa poche intérieure.
— Ne bouge plus ! Sinon, je n’hésiterai pas à tirer. Et tant pis pour le bruit. Tu as compris ?
— Oui.
— Oui, qui ?
— Oui, Parfait, répondit-il en baissant la tête.
Il ne fallut pas longtemps pour que l’homme sente une forme sous ses doigts. Il continua à creuser et ses ongles vinrent s’immiscer dans de minces filaments dont certains étaient noués et collés sous l’effet de la terre encore humide. D’abord surpris, il tira sa découverte d’un coup franc hors de la terre. Le regard qui le fixait appartenait à une tête coupée.
— Tu es devenu fou ? s’exclama le Parfait. Ne s’agit-il pas du trafiquant d’art, ce sale fouineur de Maurice Le Bihan ?
— J’ai été obligé, se défendit-il avec conviction. C’était lui ou moi ! Ka..., je vous jure !
— Tais-toi, malheureux ! Tu es déterminé à bafouer toutes nos règles ?
— Excusez-moi, Parfait. Je me trouvais au pog et il s’était caché. Il devait m’espionner, j’en suis sûr ! Depuis que son fils est là, il fourre son nez partout. Il a dû flairer l’odeur de l’argent.
À mesure qu’il se défendait, le Bon Homme gagnait en assurance. Mais le Parfait n’en avait pas encore fini.
— Le corps ? demanda-t-il en rangeant son Luger dans sa poche.
— Je m’en suis débarrassé dans la forêt.
— Pourquoi lui as-tu coupé la tête ?
— Au cas où on pourrait l’identifier, j’ai pensé que cela serait préférable.
— Il n’y avait personne d’autre ?
— Non ! répondit-il peut-être un peu trop vite, mais le Parfait, absorbé dans ses réflexions, ne sembla pas s’en apercevoir.
— Tu sais qu’il y a déjà eu assez de morts sans compter ceux que nous devrons encore sacrifier. Peu m’importe le sort de ce curieux, mais je veux que son fils aille au bout de ce qu’il a entrepris. C’est pour cette raison que nous devons l’aider sans nous faire remarquer ! Compris ?
— Oui, Parfait. J’ai compris.
Le Parfait qui tenait toujours la tête de la main gauche la jeta à terre et puis se frotta les deux paumes l’une contre l’autre pour en éliminer le sang et la terre séchés.
— Vas-y, enterre-la. Les vers n’ont qu’à faire leur office !
— Oui, je vais le faire tout de suite.
— Et attention ! ajouta-t-il en le prenant par le col. N’oublie pas que tu ne peux rien me cacher. Si j’apprends que l’un d’entre vous oublie le bien de l’Ordre, je n’hésiterai pas à m’en séparer comme on le fait d’une tumeur infectant un corps sain. Compris ?
— Oui. Je vous le promets. Pardonnez-moi.
Le Bon Homme recommença alors à creuser son trou avec application. Quand il eut atteint une profondeur suffisante, il y déposa délicatement la tête en veillant à orienter les yeux vers la terre, conformément à une vieille superstition que lui avait transmise son père chasseur. Erwin se dit à ce moment précis qu’il avait bien joué. Entre Pierre Le Bihan et lui, c’était désormais une histoire personnelle et il pourrait bientôt finir ce qu’il avait commencé.
42
Berlin, 1938
Cher Jacques,
Malgré tous mes efforts, je sentais qu’il serait difficile de trouver ma place au sein de la SS. Derrière l’idéal de pureté que les membres de l’Ordre Noir ambitionnaient d’atteindre, ceux-ci n’étaient que des hommes. À ce titre, ils ne pouvaient se détourner de leur nature profonde. Ils sacrifiaient à leurs penchants coupables. Combien de fois ne suis-je pas entré en conflit avec mes collègues et mes supérieurs qui ne faisaient pas honneur à leur uniforme ? Quand je les voyais marcher dans la rue, tenant le bras de femmes à l’allure vulgaire et habillées de manière tapageuse, je ne pouvais pas m’empêcher de leur dire ce que j’avais sur le coeur. Endosser l’uniforme noir à la double rune Sieg entraînait des responsabilités dont ils ne semblaient pas avoir conscience. Leur comportement me semblait d’autant plus inacceptable qu’ils connaissaient les exigences de Himmler en matière de bonnes moeurs.
C’est à cette période que je fis la connaissance de Richard. Après de brillantes études de biologie, il avait rejoint l’Ahnenerbe pour y poursuivre ses recherches liées aux coutumes des anciens Scandinaves. Richard Koenig présentait un pedigree impeccable au regard de nos supérieurs. Dès la fin de la guerre, il avait
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