C'était de Gaulle, tome 3
Pompidou, mais que le Général avait condamnée devant moi avec une grande vigueur 4 .) Il y a là une contradiction avec les thèses antérieures du Général, mais le déroulement de l'élection présidentielle a sûrement provoqué en lui une masse de réflexions sur la philosophie de son régime.
AP. — De toute façon, il ne pourra pas ne pas prendre position lui-même pour les élections législatives, et naturellement en faveur de la majorité sortante.
Burin. — Cependant, la limite à cet engagement est que, si le scrutin était désastreux, il devrait alors se considérer comme désavoué et par conséquent se retirer. Nouvelle façon de retomber dans le piège où la III e République était tombée : "Se soumettre ou se démettre." Ce qui revient à donner à nouveau le pouvoir suprême à l'Assemblée.
AP. — L'étude de la campagne et du scrutin, que je lui ai communiquée, montre que l'opinion doit jouer un rôle essentiel. Au cours du premier septennat, le Général pouvait gouverner sans se préoccuper de l'opinion. Il savait que pour les grandes options — institutions,guerre d'Algérie —, il répondait à l'attente du public. Maintenant que ces grands problèmes sont réglés, il le reconnaît lui-même, "il faut que l'opinion soit associée de plus près aux choix que fera l'État". C'est la conséquence inéluctable de l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Burin. — En somme, nous avons opté pour une américanisation de la vie politique : il faudra en tirer les conséquences jusqu'au bout. Si nous voulons que l'opinion ratifie le style de gouvernement du candidat en l'élisant, il faut aussi que l'opinion, au fur et à mesure du déroulement de cette politique, la comprenne et l'approuve. La logique du référendum d'octobre 1962, c'est que nous avons quitté le régime parlementaire pour entrer dans le régime d'opinion.
« Apprenez donc à ne pas me parler de problèmes qui sont insolubles »
AP. — Tout à l'heure vous disiez que le Général cherchait à la fois à sauvegarder sa figure historique et à assurer sa succession. Pour celle-ci, est-ce que le Général est fixé ?
Burin. — J'ai le sentiment très net que le Général n'a pas encore trouvé le successeur idéal. Bien sûr, si demain les circonstances ou un accident faisaient que la succession s'ouvrait, il n'y aurait pas d'autre candidat possible, du côté gaulliste, que Pompidou. Mais rien ne permet de dire que ce sera encore le cas dans quelques années. D'ailleurs, vous connaissez la situation aussi bien que moi. Elle n'est pas toujours facile à vivre. Mais un jour que j'évoquais cela devant lui, il m'a dit : "Apprenez donc à ne pas me parler de problèmes qui sont insolubles." »
1 Ministre de l'Intérieur (1961-1967), puis chargé des relations avec le Parlement (1967-1971).
2 Pierre Dumas, député-maire de Chambéry, secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement de 1962 à 1967, puis du Tourisme d'avril 1967 à juin 1968.
3 Auquel une avenue a été consacrée dès 1964.
4 En mai 1965 : C'était de Gaulle , t. II, II e partie, ch. 12.
Chapitre 3
« IL FAUT QUE LA JUSTICE AILLE AU FOND DE CETTE DETESTABLE AFFAIRE BEN BARKA »
Bien que le Général ait voulu maintenir la campagne présidentielle au niveau de l'essentiel, l'affaire Ben Barka l'a empoisonnée 1 . L'élection passée, on ne cesse d'en traîner le boulet.
Conseil du 12 janvier 1966.
Le Général n'est vraiment pas sur la même longueur d'ondes que ses ministres. Il tient à une enquête rapide, dût-elle « bousculer quelques pots de fleurs ».
Foyer 2 fait état d'une demande de la partie civile, qui voudrait faire comparaître le ministre de l'Intérieur et même le garde des Sceaux. Mais la pratique, suivie depuis sept ans, veut que ces comparutions soient refusées par le Conseil des ministres.
Frey : « En fait, les avocats de la partie civile tendent à se substituer au magistrat instructeur. Il n'y a aucune raison pour qu'ils provoquent l'audition du garde des Sceaux ou du ministre de l'Intérieur.
« Il faut aller jusqu'au bout de la vérité »
GdG. — Je ne vois aucun inconvénient à ce que le juge d'instruction recueille le témoignage du ministre intéressé. Dans cette affaire, si la justice est saisie, il faut y voir clair. Il convient donc de déférer aux demandes du juge d'instruction.
Pompidou. — Je rappelle que toutes les directives ont été données pour que
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