C'était de Gaulle, tome 3
oeuvre des conséquences diplomatiques. Il conclut : « Toutes nos démarches n'ayant abouti à aucun résultat, nous avons rappelé notre ambassadeur. L'ambassadeur marocain, rappelé par mesure de réciprocité, est venu me dire que le Maroc regrettait que nous ayons mis l'affaire sur le terrain politique. Peut-être y a-t-il le désir de certains de savoir ce que contient le dossier et qui pourrait être mis en cause ? Mais enfin, je dois noter qu'ils ne veulent pas voir se dégrader les rapports franco-marocains.
GdG. — Ils ne veulent pas les voir se dégrader, mais ils sont peut-être aussi préoccupés de ce qui se passera au Maroc. Parce que évidemment cette situation aura des suites inévitables et progressives sur la situation intérieure, sur son équilibre. Lesquelles ? Nul ne peut les prévoir.
« Quelque regret que nous puissions avoir de tout ça, nous ne pouvons pas méconnaître que le gouvernement marocain a violé la souveraineté de la France, en corrompant des fonctionnaires et agents français. Le coupable, c'est lui. Qu'il soit marocainement explicable qu'Oufkir ait commis cet acte, c'est possible. C'est une affaire qui ne me regarde pas. Mais ce qui me regarde, c'est que nous ne pouvons pas admettre que ça se passe chez nous.
« Alors, nous avons tout fait pour avertir le Roi, et son gouvernement, le plus rapidement et le plus discrètement possible. Ils n'en ont pas tenu compte, soit parce qu'ils sont trop engagés dans l'affaire — et le Roi lui-même ? —, soit parce qu'ils ont besoin d'Oufkir pour d'autres raisons, soit enfin parce qu'ils se sont figuré que nous avalerions finalement la couleuvre.
« Nous n'enverrons pas de croiseur devant Agadir »
« Personne ne les empêchait d'ouvrir un procès pour ce qui les concernait, auquel procès nous aurions communiqué tous les éléments que nous avions nous-mêmes, et qui évidemment auraient été écrasants pour Oufkir. Mais ça impliquait qu'Oufkir ne fût plus ministre de l'Intérieur, parce qu'on ne pouvait pas imaginer que le gouvernement marocain se juge lui-même dans la personne de son ministre de l'Intérieur. C'est ce que nous avons dit et répété au roi, qui ne l'a pas d'ailleurs méconnu. Pourtant, délibérément, il a préféré préserver Oufkir, quelles qu'en soient les conséquences. Et alors, pour le moment, c'est le rappel des ambassadeurs. Évidemment, nous n'allons pas faire la guerre au Maroc ! Nous n'enverrons pas de croiseur devant Agadir 7 ! Ça ne servirait d'ailleurs à rien. Mais nous avons des rapports pratiques avec le Maroc, qui sont à l'avantage du Maroc, et que nous serons naturellement amenés à ne pas poursuivre. Voilà où l'on en est. Qu'est-ce qu'ils feront de leur côté ? Je n'en sais rien. On verra plus tard.
« Avez-vous autre chose à dire de cette situation ? (Silence général.)
« Bien. M. Bourges 8 va faire une communication à la presse, pour dire quel a été le rôle du gouvernement dans tout ça. Alors, donnez-nous-en communication. (Bourges écarquille les yeux.) Dites ce que vous allez dire.
Bourges. — Maintenant ?
GdG. — Mais oui, ce que vous allez dire, pour que le Conseil le sache. »
Je comprends la surprise de Bourges. Pendant tout le temps où j'ai rempli son rôle, je n'ai jamais vu le Général pratiquer ainsi. L'affaire est si délicate qu'il faut que tous les ministres sachent ce qui va sortir du Conseil et ce qui ne doit pas en sortir. Cette procédure d'exception ne se renouvellera pas.
« Il faut profiter de tout pour réformer, même des mauvaises affaires »
Conseil du 1 er juin 1966.
L'affaire Ben Barka accouche d'une nouvelle organisation de la police d'État. Frey en expose rapidement les principales dispositions techniques. Mais le Général n'entend laisser à personne le soin d'en dire la philosophie. Comme d'habitude, elle est simple.
GdG : « Nous avons deux polices. La préfecture de police, depuis qu'elle a été créée par Napoléon, s'est organisée à part. Il faut une seule police, et un seul chef : le ministre de l'Intérieur. Il faut aussi un personnage pour traduire les décisions. Ce sera le secrétaire général de la police, bras droit du ministre pour l'ensemble de la police.
« Le préfet de police, on ne va pas le supprimer. Il a la charge de l'agglomération parisienne, de la sécurité du gouvernement, du maintien de l'ordre à Paris ; mais il ne faut pas que la préfecture de police, ce soit un personnel à part,
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