C'était de Gaulle, tome 3
minutes à peine, il nous fait une communication sur l'insuffisance de la main-d'oeuvre qualifiée. Un autre trait de son caractère, le dirigisme, sied au Général. Le voici sur une seconde communication, à propos des conventions médicales : « Il y a peu d'adhésions individuelles. Nous devrons mener une action pour y contraindre les médecins (il appuie), par exemple en ouvrant des dispensaires. »
Le Général approuve, visiblement satisfait qu'un de ses ministres ne recule pas devant la contrainte.
Conseil du 1 er juin 1966.
La vraie vedette du gouvernement, c'est Edgar Faure 3 . Il a été éblouissant dans un « face à face » télévisé. Nous sommes un petit groupe qui l'en félicite. Réfractaire aux enthousiasmes, Couve le douche : « Une heure, c'est beaucoup trop long, un quart d'heure suffirait. » Je murmure : « Tiens, j'allais dire : une heure, ça nous a paru trop court. » Edgar feint de ne pas entendre. Le Général arrive, serrant les mains, avec quelques mots de-ci de-là ; quand il passe devant lui : « Vous avez été brillant et habile. » Il en a l'air tout heureux et Edgar est aux anges.
« Si l'opposition veut censurer le gouvernement, elle le peut »
Conseil du 13 avril 1966.
La session parlementaire s'est ouverte. Les chefs de l'opposition réclament que le nouveau gouvernement vienne demander l'investiture de l'Assemblée.
Pompidou : « Nous ne sommes plus sous le régime d'Assemblée. Il n'y a ni débat d'investiture, parce que ce n'est pas dans la Constitution, ni obligation de demander un vote de confiance. Maisl'opposition peut naturellement essayer de faire la preuve qu'elle peut censurer le gouvernement.
GdG (un sourire de défi). — ...et éventuellement le remplacer !
« Le premier gouvernement Debré a engagé sa responsabilité et je l'ai approuvé. C'était une nouvelle Constitution, une nouvelle Assemblée, un nouveau gouvernement. C'était normal.
« Le gouvernement Pompidou, en avril 62, a fait de même. C'était un nouveau gouvernement. Il y avait eu des événements considérables par rapport à l'Algérie. Il fallait marquer l'accord de l'Assemblée pour une nouvelle étape.
« Lorsqu'il y a eu un nouveau gouvernement après la dissolution, en décembre 62, il en a été encore de même. C'était une Assemblée toute différente, il fallait qu'une nouvelle majorité se dégage, après cette nouvelle donne.
« Cette fois-ci, il y a eu l'élection présidentielle, oui, mais on n'a pas changé de Président. Le gouvernement a été remanié, oui, mais on n'a pas changé de gouvernement. Et l'Assemblée ? Elle est toujours ce qu'elle était.
« Si l'opposition veut censurer le gouvernement, elle le peut ; enfin, elle peut s'y essayer. C'est à elle de prendre la responsabilité pour son compte. »
Il n'est pas inutile de rappeler ces principes avant les élections de l'an prochain. Nous ne savons pas si elles nous donneront la majorité, mais ce sera à l'Assemblée de prendre l'initiative des hostilités, si elle le souhaite, avec la menace d'une dissolution. À bon entendeur, salut.
1 Ancien ministre du premier gouvernement Pompidou, l'un des cinq ministres MRP démissionnaires le 15 mai 1962, après l'incident du « volapük ». Voir C'était de Gaulle , t. I, II e partie, ch. 7.
2 Jean-Marcel Jeanneney, professeur d'économie politique, ministre de l'Industrie de 1959 à 1962, a été le premier ambassadeur de France en Algérie, puis a été membre du Conseil économique et social.
3 Edgar Faure (1908-1988), six fois ministre et deux fois président du Conseil sous la IV e République.
Chapitre 2
« C'EST AU MINISTRE DE S'EN OCCUPER »
Pourquoi le Général changerait-il ? Sa personnalité traverse intacte toutes les circonstances. Si le Conseil des ministres est un théâtre particulier, cela fait longtemps qu'est fixée sa façon d'y tenir son rôle.
« Ce qui compte maintenant, ce n'est plus l'aristocratie, ce sont les ingénieurs »
Conseil du 25 mai 1966 .
Il aime toujours prendre le Conseil des ministres à contre-pied. Ce matin, Couve nous gratifie d'une longue communication sur l'état de la Pologne. Quand il a terminé, nous nous tournons vers le Général, goûtant à l'avance les conclusions qu'il va en tirer, lui qui y a passé deux ans de sa jeunesse.
GdG : « Vous avez évoqué les relations culturelles. Avant la guerre, l'aristocratie polonaise apprenait le français. Elle comptait, et le français comptait. Elle ne compte
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