C'était de Gaulle, tome 3
plus. Ce qui compte maintenant, en Pologne comme chez nous, ce sont les ingénieurs. Ils s'intéressent à ce qui leur est utile. Les ingénieurs polonais s'intéresseront au français dans la stricte mesure où nous aurons quelque chose à leur apporter, en fait de sciences, de techniques. »
Ce matérialisme nous surprend. Il est fait pour nous secouer.
« Il est affreux que l'on dise la délivrance des autorisations »
Conseil du 31 mars 1966 .
Le Général est toujours le gardien sourcilleux du beau langage. Je ne sais plus lequel d'entre nous est coupé dans le bel élan de sa communication par ce soupir d'écrivain :
« Il est affreux que l'on dise la délivrance des autorisations. Il faudrait dire l' octroi. »
Mais il parle au conditionnel. Ce n'est pas un domaine où il s'autorise à donner des ordres, même à ses ministres.
Conseil du 27 avril 1966 .
Le registre de style qui nous met tous en joie, même celui qui en est l'occasion, c'est celui de l'acidité. Cette fois, c'est Roger Frey 1 qui chante les mérites des préfets qu'il déplace. Le Général, sarcastique : « À vous entendre, les préfets que vous nous présentez, qu'ils s'en aillent, qu'ils restent ou qu'ils arrivent, sont tous éminents et sans défauts. »
« Je m'interroge sur les mérites de l'exportation des reproducteurs »
Conseil du 21 septembre 1966 .
Dumas 2 récite la liste des lois qui doivent alimenter la session d'automne. On l'écoute distraitement. Tout à coup, de Gaulle le coupe : « Cette loi sur l'élevage, je soupçonne que pour la plus grande part elle est du domaine réglementaire ! » Dumas, qui n'en peut mais, donne du regard la parole au ministre de l'Agriculture.
Edgar Faure : « Il est certain que tout n'y est pas du domaine législatif stricto sensu, mais dès lors qu'il y a une loi, il est bon d'y inscrire tous les éléments d'une politique d'ensemble.
GdG. — Nous nous sommes donné beaucoup de mal pour définir restrictivement le domaine législatif. C'est la Constitution et c'est la pratique que nous en avons faite. Il ne faut pas revenir là-dessus. Mais je suis prêt à écouter vos arguments. Nous en reparlerons. »
Le Général est toujours d'une exquise courtoisie avec Edgar Faure. Mais quand, au Conseil suivant, le 28 septembre 1966, Edgar expose son projet de loi, on s'aperçoit que celui-ci sait obéir avec grâce. L'essentiel de ce qui était réglementaire a disparu, et c'est l'exposé des motifs qui se charge de définir la politique de l'élevage.
Le Général en profite pour manifester à son ministre tout l'intérêt qu'il porte à ces dossiers si ingrats. Il le fait à sa manière, énigmatique, en lançant d'un ton rêveur : « Je m'interroge sur les mérites de l'exportation des reproducteurs... »
Faut-il en effet que nos mâles quadrupèdes quittent le territoire ?
« Nous faisons des politesses, mais on ne nous les rend pas »
Conseil du 23 novembre 1966 .
Couve annonce qu'il aura l'honneur d'inaugurer l'avenue Winston Churchill. De Gaulle, franchement bougon : « L'usage se répand de donner des noms de personnalités étrangères à des rues de Paris. C'est un usage qui devient abusif. Nous faisons des politesses, mais on ne nous les rend pas. Il faut mettre un frein à ces abus. Le ministre de l'Intérieur devrait donner des instructions en ce sens au préfet de la Seine.
Frey. — J'ai déjà donné des consignes dans ce sens.
GdG. — Ce n'est sans doute pas assez. Il faudrait inscrire cette règle dans un texte, tout au moins pour la capitale.
Pompidou (sarcastique). — Cette avenue n'est bordée par aucune maison. Elle passe entre le Petit et le Grand Palais. C'est une politesse qui ne coûte pas cher. »
C'est tout de même étonnant que de Gaulle ait choisi Churchill pour manifester son irritation. Churchill trinque pour Kennedy 3 .
Conseil du 31 janvier 1968 .
Michelet, ministre des Anciens combattants, profite de l'examen de la promotion des décorés pour déplorer que des militaires de réserve ou d'anciens déportés aient été trop modestes pour faire état de leurs titres à des nominations largement méritées pourtant.
GdG (presque sèchement) : « C'est au ministre de s'en occuper. »
Demander une décoration pour soi-même, cela ne se fait pas, ou ne devrait pas se faire. C'est précisément pourquoi il revient à l'État, source des honneurs, de distinguer dans la masse ceux qui les méritent et ont la pudeur de ne pas le faire
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