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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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tapis vert, Jean-Jacques Bertrand, vice-président du Conseil, ministre de l'Éducation et de la Justice, Jean-Noël Tremblay, ministre des Affaires culturelles, Marcel Masse, ministre d'Etat à l'Éducation, Claude Morin, sous-ministre des Affaires extérieures ; face à eux, moi-même, entouré d'une forte délégation de hauts fonctionnaires, dont Jean Basdevant 1 .
    Johnson, en mai dernier, avait bien averti le Général qu'il ne viendrait « pas dans un pays sous-développé qui attendrait de lui des cadeaux, mais pour quelque chose de beaucoup plus important : permettre au Québec d'atteindre ses objectifs au sein du Canada ». Je ne voulais donc pas déballer nos propositions comme on déballe des présents en arrivant, mais laisser mes interlocuteurs exprimer eux-mêmes leurs attentes.
    Pendant la première séance, nous jouons à cache-cache. Je cherche à éviter de leur imposer d'emblée les deux douzaines de programmes retenus. De leur côté, s'attendant à une offre de projets élaborés, les Québécois, qui n'en ont préparé aucun, attendent que nous exposions les nôtres. Je finis donc par plonger ; les Québécois nous montrent qu'ils ont beaucoup d'idées, mais qu'ils ne lesconçoivent que comme complément ou amendements de celles que nous aurons exposées. Du reste, le Québec n'a encore qu'une administration embryonnaire. C'est seulement en 1964 que le ministère de l'Éducation a été créé. Le directeur de la coopération internationale au ministère des Affaires culturelles a pour tout personnel une secrétaire.
    Marcel Masse me glisse à l'oreille : « Presque personne, soit dans l'administration, soit parmi les élus, n'a l'expérience des relations internationales. En accélérant les choses, de Gaulle oblige les Québécois à apprendre sur le tas. »

    Intermède acadien, mardi 12 septembre 1967.
    De bon matin, Dorin m'annonce que quatre Acadiens campent dans le hall de l'hôtel Frontenac. Il me suggère de les recevoir pendant l'heure libre que me laissent les entretiens avec la délégation québécoise. Il n'a pas l'air surpris de leur arrivée ; je soupçonne qu'il y est pour quelque chose.
    Adélard Savoie, recteur de la nouvelle université de Moncton, Euclide Daigle, éditeur de l' Évangéline, unique journal acadien, le docteur Léon Richard, président de la Société nationale des Acadiens, et Gilbert Finn, son vice-président, entrent dans ma suite. Ils se présentent comme les chefs de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick et comme les porte-parole aussi de celle de Nouvelle-Écosse : trois cent mille descendants, fidèles à la France, des premiers colons arrivés au Canada aux XVI e et XVII e siècles.
    Ils exposent leur supplique. Ils ont été heureux de voir le Président de la République française s'intéresser au Canada français. Ils ont vibré à tous ses discours. Ils ont été bouleversés par son cri « Vive le Québec libre ! ». Mais ils ont regretté qu'il n'ait même pas fait allusion aux Acadiens.
    Ces quatre mousquetaires me conjurent d'intervenir auprès du Général pour qu'il accepte de les soutenir dans le combat qu'ils mènent pour la survie des Acadiens.
    « Le Président de Gaulle a voulu effacer l'oubli que Louis XV avait fait au traité de Paris de 1763. Mais nous, nous avons été oubliés cinquante ans plus tôt par Louis XIV, au traité d'Utrecht de 1713 2 . Et pourtant, nous avons toujours été fidèles à notre origine française. Puissiez-vous obtenir du Président français qu'il fasse un geste pour nous, comme il l'a fait pour le Québec !
    AP. — En somme, vous regrettez qu'il n'ait pas dit: " Vive l'Acadie libre ! "
    — Ah, s'il avait pu le dire ! »
    Ils me remettent une lettre fort bien tournée pour le président de la République, où ils rappellent leur histoire tragique ; ils n'y font pas allusion aux délaissements qu'ils viennent de m'exposer amèrement, mais font état, au contraire, de l'appui occasionnel reçu de la France, « notre mère patrie et celle de la province de Québec », bastions de vie française en Amérique. Pourtant, ils ne jouissent pas « de tous les droits auxquels peut prétendre un peuple chargé d'histoire ».
    Qui donc a pu leur souffler que le Général a horreur des quémandeurs et des jérémiades ? Ils se contentent de présenter des « suggestions 3 ».
    AP : « Je ne peux pas m'engager en son nom, mais je vous promets de lui parler de votre démarche et de lui remettre votre lettre

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