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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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en mains propres. Je serais bien surpris s'il ne vous invitait pas tous les quatre à Paris, pour que vous lui parliez vous-mêmes de l'Acadie. »

    13 septembre 1967.
    Les entretiens franco-québécois aboutissent à un succès complet. Parmi les propositions que nous faisions à nos interlocuteurs, il en est toutefois une qu'ils ont écartée aimablement. Quand nous leur avons offert des bourses pour que des étudiants québécois viennent dans nos écoles de commerce et de gestion, ils m'ont fait comprendre qu'ils considéraient les Français comme de mauvais vendeurs et de mauvais gestionnaires. Leurs étudiants ne rêvaient que des business schools américaines.
    À cette exception près, la délégation québécoise et, par téléphone, Daniel Johnson lui-même, acceptent avec empressement les 25 autres actions prévues et s'engagent à y consacrer des moyens financiers identiques à ceux de la France. « D'égal à égal » : le Premier ministre y tient absolument. Les crédits doivent être décuplés en trois ans. Nous prévoyons même la création d'un satellite franco-québécois de communications. Sous le couvert de cet accord-cadre, les visites au Québec de ministres et de hauts fonctionnaires français devraient s'accélérer 4 .
    Il me reste à accomplir la mission politique.

    Johnson : « C'est la première fois que le Québec participerait à une conférence internationale »
    Montréal, 13 septembre 1967.
    Le fils de Daniel Johnson m'accueille dans l'entrée de l'hôtel Bonaventure. Il me conduit au plus haut étage et s'efface. Il avait été prévenu que je souhaitais voir son père sans témoins. Une infirmière est à portée de la main et l'Hôtel-Dieu juste à côté de l'hôtel. Le Premier ministre me reçoit en robe de chambre dans un jardin d'hiver qui surplombe la ville. Son visage accuse une grande fatigue.
    Il commence par me remercier du protocole sur lequel ses ministres et moi sommes en train de nous mettre d'accord, et qui répond entièrement à ses voeux.
    « Pendant le long sommeil de l'ère Duplessis, m'indique-t-il, les intellectuels souhaitaient une ouverture sur le monde, c'est-à-dire, dans leur esprit, sur la France. Mais le peuple ne voyait pas l'avantage qu'il y avait pour le Québec à se rapprocher de la France. Beaucoup de Québécois gardaient du ressentiment à l'égard d'un pays qui les avait abandonnés pendant deux siècles et qu'au fond, ils connaissaient bien mal. Les politiciens 5 , même s'ils récusaient pour eux-mêmes ce préjugé, n'osaient pas le combattre, de crainte de heurter l'opinion. Depuis juillet, cette prévention a disparu et je ne crois pas qu'elle revienne. Ça, c'est un acquis essentiel. »
    Il revient ensuite avec un vif intérêt sur l'ouverture que j'avais faite auprès de son ministre Marcel Masse, à propos de la conférence annuelle des ministres de l'Éducation de France et d'Afrique francophone, embryon d'une future organisation de la francophonie. Il est séduit par la perspective d'élargir l'horizon international du Québec. Lui-même avait déjà songé à inviter cette conférence à Québec pour 1968. Le projet a capoté, Ottawa opposant son veto absolu. Il n'en est que plus perméable à l'idée que son ministre de l'Éducation soit invité à Libreville. « C'est la première fois que le Québec participerait à une conférence internationale. Les fédéraux nous feront sûrement des histoires. Mais c'est un bon terrain pour nous. L'éducation est une compétence exclusive des provinces : il n'y a pas de ministre de l'Éducation fédéral et le Québec est la seule province francophone. Ça devrait nous aider à guérir la claustrophobie dont nous sommes affligés. »
    Cette première affaire a été évoquée avec beaucoup de sérénité. Il n'en est pas de même de l'autre.

    Johnson : « Tout ça va trop vite »
    Quand j'explique à Johnson comment se déroulent les conversations semestrielles franco-allemandes, qui pourraient servir de modèle à des entretiens réguliers franco-québécois, son visage trahit l'émotion, puis la crainte, enfin l'affolement. Il porte la main à son coeur. Je m'arrête de parler, craignant une nouvelle attaque, et m'apprête à appeler en renfort Johnson junior, qui attend dans une pièce voisine. Il laisse passer quelques minutes, en massant son coeur. Puis il reprend : « Alors, ça veut dire qu'avant six mois, j'irais à Paris avec mes principaux ministres et que six mois plus tard, le

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